L'utilisation de pathogènes hôte-spécifiques en lutte biologique peut-elle être contrôlée ?
La lutte biologique est par définition « l’utilisation d’organismes vivants ou de leurs produits pour empêcher ou réduire les pertes ou dommages causés par des organismes nuisibles » (OILB Organisation Internationale de Lutte Biologique). Historiquement, son utilisation est beaucoup plus ancienne que les pesticides chimiques. Un des premiers essais de lutte biologie eut lieu aux États-Unis en 1883, avec l’introduction du parasitoïde Apanteles glomeratus, un petit hyménoptère, pour lutter contre la piéride de la rave et du chou, Pieris rapaeI. Cependant avec l’apparition en 1939 du puissant insecticide qu'est le DDT (dichlorodiphényl-trichloroéthane), la priorité fut accordée au développement de la lutte chimique, au détriment de la lutte biologique (Suty, 2010).
Cette utilisation massive de produits chimiques finit toutefois par présenter ses limites. Les conséquences néfastes sur l’environnement et plus récemment sur la santé humaine, mais également le développement de résistance par les organismes ciblés, menèrent à replacer la lutte biologique comme solution optimale aux nuisibles.
Néanmoins, un fait historique met en exergue les risques de cette technique lorsqu'elle est utilisée inconsciemment. En 1952 le docteur Armand-Delille, agacé par l’envahissement de son domaine par des lapins, prit l’initiative d’inoculer le virus de la myxomatose à trois individus. En deux mois, 90% de la population de lapins fut décimée et en un an, toute la France métropolitaine contaminée; épidémie dont les conséquences sont encore visibles aujourd'hui. Cette anecdote, bien qu'elle puisse sembler dérisoire, montre le problème sous-jacent d’un manque de connaissances vis-à-vis des pathogènes utilisés en lutte biologique (e.g mode de propagation). Le virus de la myxomatose possède effectivement un spectre d'hôte large, étant capable d'infecter plusieurs espèces de lagomorphes. Des études préliminaires, afin d'appréhender la biologie du virus ou de définir son spectre d'hôte, aurait ainsi permis de limiter son impact écologique.
En définitive, l’absence de contrôle de la propagation du virus entraîne des conséquences irréversibles, c’est pourquoi il est nécessaire de maîtriser les pathogènes à l'aide de techniques efficaces en la lutte biologique. Une question se pose alors : actuellement, avec le développement des nouvelles technologies et des organismes de régulation, ce contrôle est-il possible ?