Compétition entre abeilles mellifères (Apis mellifera) et abeilles natives solitaires dans la région Méditérranéenne d'Israël : implications pour la conservation
En présence d'un fort compétiteur pour des ressources limitées, il est attendu qu'une espèce change sa stratégie de fourragement par un déplacement temporel et/ou spatial. Cela peut conduire à un détournement vers des resources moins optimales afin de minimiser la compétition, pouvant mener, à terme, à l'exclusion compétitive.
L'Israël montre une grande diversité d'abeilles solitaires nichant au sol (terricoles) avec plus de 1000 espèces connues, et fait partie de la répartition naturelle ancestrale d'Apis mellifera. Cette étude se propose de tester l'effet des abeilles domestiques sur le comportement de butinage des abeilles solitaires et bourdons en Israël par introduction temporaire de ruches dans 2 parcs.
Hypothèses
Après introduction de ruches, l'activité de butinage des abeilles natives :
Deux sites (maquis méditerranéen) ont été étudiés sur 2 saisons : Ramat Haniv Park (RHP) en 2002 et 2003, et Carmel National Park (CNP) en 2004 et 2005. Les observations sont faites sur des parcelles exemptes de ruches, et reproduites après l'introduction de 10 ruches (d'environ 10 000 ouvrières).
Les parcelles sont aussi grandes que le permettent des observations synchrones (environ 200 fleurs) dans un rayon de 100-500 m des ruches, et ce sur 3 espèces de sauge (Salvia eigii, S. pinnata et S. fruticosa) et des pots de Rosmarinus officinalis, dont la longueur des tubes floraux et la quantité de nectar moyennes ont été estimées. Les sessions de comptage et d'identification des visiteurs de fleurs duraient 10 minutes, toutes les 2h : de 8h à 14h au RHP et de 8h à 16h au CNP, durant deux semaines avec 3 rotations aléatoires des patchs.
Le nombre de fleurs ouvertes par parcelle est compté afin d'exprimer un taux de visites par fleur et par heure.
La température ambiante était de 20 à 25 °C.
Genres observés : Halictus, Synhalonia, Anthophora, Bombus, Habropoda, Eucera (si possible identifiés à l'espèce) et sous le terme "petites abeilles" sont regroupés Osmia, Andrena, Chelostoma, Nomada et Lasioglossum.
Aucun déplacement temporel significatif des visites n'est observé entre avant et après introduction des ruches.
Globalement, le taux moyen de visite de fleurs par les abeilles sauvages est significativement plus faible en l'absence de ruches qu'en leur présence en 2002, 2004 et 2005 mais l'inverse est observé en 2003.
Les auteurs soulignent que les résultats sont très ambigus, car quand toutes les combinaisons plante-année-site sont considérées, les taux de visites par les abeilles sauvages après implantation des ruches sont :
La variabilité des résulats pourrait être due (entre autres) à la forte densité de ruches aux abords des réserves, qui sont d'aire faible.
L'interprétation des tests statistiques semble parfois exagérée, par exemple pour un cas précis (abeille mellifère en 2002 à RHP), le taux de visite de fleurs est déclaré comme "tendant à être plus élevé avec ruches que sans" alors que la valeur-p (p-value) associée est de 0.26, ce qui semble clairement non-significatif.
Aucun trait directement lié à la fitness (survie, reproduction) n'est pris en compte (recommandation de Paini 2004).
Les auteurs soulignent le fait qu'ils ont effectué les observations rapidement (dans les deux semaines) après l'implantation afin de minimiser les changements temporels dans la composition et l'abondance à la fois des fleurs et des abeilles.
Cette étude élargit l'exploration géographique de la controverse au sud de la Méditerranée, qui fait partie de l'aire de répartition originelle d'Apis mellifera, et évite donc une restriction à l'Europe.
Bien que plutôt en faveur d'une compétition pour les ressources par une modification du comportement de visite de fleurs des abeilles sauvages en présence de ruches d'abeilles domestiques, ces résultats sont assez contradictoires entre eux (variation selon les années, mais aussi selon les plantes et les taxons d'hyménoptères considérés), ce qui met en évidence la difficulté de conclure quant à une compétition entre abeilles domestiques et sauvages.
Les auteurs précisent que les colonies d'abeilles Apis mellifera retournées à l'état sauvage (colonies dites "férales") sont extrêmement rares dans cette zone, justifiant ainsi que les comptages d'abeilles mellifères sont bien celles des ruches commerciales.
D'autre part, les abeilles introduites pourraient, en fait, préférer butiner sur des fleurs riches lointaines et éviter alors les espèces de plantes de l'étude.
Les auteur s'étaient également attendu à ce que les espèces d'abeilles à langue courte soient significativement plus observées sur les plantes à tubes floraux courts lorsque la densité de domestiques est plus forte, et que les abeilles à longue langue se déplacent vers des fleurs à tube longs, mais ce n'est pas ce qu'ils ont observé.