Le génome d'un humain du Pléistocène supérieur d'un site funéraire de Clovis dans l'ouest du Montana
Clovis est le plus ancien complexe archéologique répandu en Amérique du Nord, daté entre 13 000 et 12 600 ans. Cependant, les origines et l'héritage génétique des peuples Clovis restent controversés. En effet, il est généralement admis que ces peuples dérivent de l'Asie et étaient directement liés aux Amérindiens contemporains, mais une hypothèse alternative, solutréenne, postule que les prédécesseurs de Clovis ont émigré depuis le sud-ouest de l'Europe durant le dernier maximum glaciaire. La seule sépulture Clovis connue et l'assemblage mortuaire associé ont été trouvés au site d'Anzick, dans le Montana. De nombreux outils technologiquement compatibles avec les artefacts Clovis ont été trouvés en association directe avec des restes d’un enfant en bas âge, daté entre 12.707 et 12.556 ans. Dans cette article, les auteurs ont étudié la séquence génétique de ce nourrisson mâle (Anzick-1), fournissant des résultats extrêmement intéressants sur la génétique des populations de cette époque.
Les fragments d'os d'Anzick-1 ont été échantillonnés pour des analyses d'ADN et de datation au carbone 14. A partir d'extraits d'ADN, les auteurs ont généré des bibliothèques de séquençage Illumina, séquencées sur la plateforme Illumina HiSeq. Pour étudier l'affinité de l'individu Anzick-1 avec les populations mondiales contemporaines, ils ont calculé des f3-statistiques extra-groupes en utilisant un ensemble de données SNP génomique de 143 groupes. Afin de tester les modèles historiques reliant l’individu d'Anzick-1 aux Amérindiens des temps modernes venant du Nord (Cree, Ojibwa et Algonquin) et du Sud (44 groupes d'Amérique Centrale/Sud), des D-statistiques basées sur les fréquences alléliques ont été calculées. Pour tester si l'individu Anzick-1 aurait pu appartenir à une population ancestrale à certaines populations modernes, ils ont développé une nouvelle méthode du maximum de vraisemblance pour estimer la longueur des branches d'un arbre de dérive (Treemix).
L’analyse ADN met en évidence chez Anzick-1 les haplogroupes D4h3a (mitochondriale) et Q-L54 (chromosome Y). La présence de D4h3a remet en question une route de migration côtière précoce des amérindiens et son absence de polymorphisme le place à la racine de D4h3a. La présence de Q-L54 permet d’estimer à 16 900 ans la divergence entre deux lignées américaines du chromosome Y, Q-L54 et Q-M3. Par les analyses SNP, TreeMix et f3-statistiques extra-groupes, Anzick-1 est génétiquement plus proche des Américains Sud/Centraux qu’à toute autre population, l’affinité génétique étant décroissante à mesure que l'on se dirige vers l’Europe. Une diversification basale des lignées américaines Nord et Sud/Centrale antérieure à la période Clovis est soutenue. Un flux génétique est proposé de la lignée Mal'ta vers les amérindiens avant que NA et SA divergent. Anzick-1 appartiendrait à une population directement ancestrale à Karitiana et aux Mayas et aurait divergé des autres populations en dehors de l’Amérique.
Cet article montre ainsi que les amérindiens contemporains semblent être des descendants directs des peuples Clovis, ayant enterré cet enfant. L’analyse du génome réfute la possibilité que Clovis soit issu d'une migration européenne (Solutréenne) vers les Amériques. De plus, les données ne supportent pas l'hypothèse, basée sur des données crâniennes, que les populations américaines autour de la période de Clovis ont ensuite été assimilées par des migrants plus récents qui étaient les ancêtres des Amérindiens contemporains. Les données d’Anzick-1 semblent montrer une occupation humaine des Amériques quelques milliers d'années avant Clovis, et démontrent que les amérindiens contemporains sont les descendants des premiers peuples à s'établir avec succès dans les Amériques. Les résultats sont compatibles au fait que les populations amérindiennes proviennent principalement d'une population à source unique (Sibérie), mais qu'il y avait un mouvement secondaire dans le nord de l'Amérique du Nord.
Les résultats de Forster et al. (1996) sont similaires à ceux obtenus dans cet article. Rasmussen et al. (2014) y font notamment mention dans la conclusion.