Titre de l'article :

Effet de la proximité d’un rucher d’abeilles mellifères sur la fitness, le développement et performance de colonies de bourdons.


Figure :

Figure 1 de Elbgami et al. 2014
Au début de l’expérience, la biomasse moyenne des colonies situées à distance de la ruche est de 853 plus ou moins 1,9 mg alors que les colonies proches de la ruche atteignaient 878 plus ou moins 14,2 mg.
A la fin de l’expérience de 2010 (a), les colonies lointaines des ruches d’abeilles méllifères ont gagné 151g alors que les colonies à proximité de ces mêmes ruches n’en ont gagné que 55.

Ceci démontre un effet significatif de la proximité de la ruche sur le gain de poids au cours du temps en 2010 mais un effet marginal non significatif en 2012 (b).

Introduction à l'article :

Bien que les abeilles mellifères soient natives de l’Europe et aient coévolué avec d’autres pollinisateurs natifs, il existe toujours un potentiel de forte compétition, en raison de l’apiculture qui fait persister artificiellement d’importantes densités locales d’abeilles mellifères (Goulson, 2004 ).

Pour tester l'existence d'un tel impact délétère, Paini (2004) souligne qu’une évaluation de la fécondité des hyménoptères sauvages, de la survie ou de la densité de populations est essentielle.
Cette étude a donc examiné si et en quoi, la proximité à une ruche affecte le développement, le poids et le succès reproducteur d'une colonie de bourdons au Royaume-Uni ainsi que le poids des individus et leur activité fourragère. De plus, l'hypothèse est posée qu'une colonie en stress produise plus de mâles que d'ordinaire car les reines sont particulièrement coûteuses (Beekman & van Stratum, 1998) : le sex-ratio a donc aussi été mesuré pour tenter de percevoir si ce biais existe.

Expériences de l'article :

Afin d’estimer fidèlement en quoi la proximité d’une ruche d’abeilles mellifères impacterait des traits d’histoire de vie des colonies bourdons, les auteurs ont comparé le poids et le succès reproducteur de colonies de bourdons dans des fermes sur 2 ans (de fin juillet à fin août en 2010, et début juin à mi-juillet en 2012).

Poids
Les individus ont été autorisés à fourrager naturellement durant 6 semaines et chaque colonie fut pesée de manière hebdomadaire.

Succès reproducteur
Le succès reproducteur a été mesuré après les 6 semaines d’expérience en comptant le nombre et la taille de tous les mâles ayant émergé ainsi que de toutes les nouvelles reines de la colonie. Le nombre d'ouvriers a été évalué, ainsi que le poids pour 20 d'entre eux pris aléatoirement.
Le ratio poids/taille des reines a permis de déterminer le contenu potentiel de graisse stockée par les reines.

Activité fourragère
L'activité fourragère a été évaluée en filmant les ruches pour recenser les bourdons sortants.

Résultats de l'article :

Poids
Il y a un effet significatif de la proximité à la ruche sur le gain de poids de la colonie au cours du temps en 2010 mais un effet marginal non significatif en 2012.

Succès reproducteur
Toutes les colonies confondues ont produit des mâles et au moins une nouvelle reine, à l’exception d’une colonie en 2012.
La taille des reines bourdons –basée sur la largeur du thorax– est significativement réduite au sein des colonies proches de la ruche, comparée aux colonies éloignées pour les deux années.
Les ouvriers des colonies éloignées étaient significativement plus légers que ceux proches des ruches en 2010 mais pas en 2012.
Les mâles ne diffèrent ni en poids ni en taille entre colonies et entre années.
Le sex-ratio était très similaire entre les colonies proches et éloignées de la ruche.

Activité de fourragement
Après 4 semaines, il y avait significativement plus de voyages de ravitaillement effectués par les individus loin des ruches que par ceux proches des ruches.

Rigueur de l'article :

Cet article, contrairement à la majorité des études, estime la fitness non pas via des taux de visite florale ou de chevauchement des ressources mais par des mesures directes, qui semblent cruciales pour estimer et évaluer les réels impacts de la compétition.

Les protocoles mis en place dans cette étude semblent solides et concluants mais ses résultats ne se basent que sur une comparaison entre deux sites et auraient donc besoin d’être confirmés par des études sur d’autres sites.

On pourrait également se demander si la distance d’1 km entre les colonies de bourdons et la ruche est suffisante pour en faire un contrôle de l’absence de l’effet de la compétition.

Ce que cet article apporte au débat :

Les auteurs ont trouvé que les colonies de bourdons, localisées en des zones proches de ruches d’abeilles mellifères, avaient des gains de masses plus bas et produisaient des reines moins nombreuses et plus petites.
La conclusion principale est que la proximité à des ruches d’abeilles mellifères domestiques est associée à une réduction significative de la fitness des colonies de bourdons avec des implications conséquentes sur leurs dynamiques de population.
L’effet délètere des abeilles mellifères étant plus prononcé en 2010 qu’en 2012, il faut prendre en compte que l’impact des abeilles domestiques peut varier dépendamment de la variation temporelle et des conditions météorologiques mais aussi de la disponibilité floristique, de l’exposition aux pesticides entre autres facteurs environnementaux.

Remarques sur l'article :

Le fait qu’il n’y ait pas de différence notable après deux semaines concernant le taux de voyages alimentaires mais qu’il y en ait après 4 semaines peut être expliqué par la taille diminuée des colonies proches de la ruche qui a davantage divergé des tailles de colonies éloignées, après 4 semaines.
Dans cette étude, les auteurs ont trouvé que les ouvriers des colonies proches de la ruche étaient plus légers alors que d’autres auteurs ont souligné qu’ils étaient plus petits. Une diminution de la taille ou du poids rend les ouvriers de toute façon moins efficaces pour la récupération de nourriture que ne le seraient des ouvriers plus lourds ou plus grands.
Les auteurs soulignent le fait que la présence seule des ruches, même si elle semble être le facteur le plus susceptible d’expliquer une fitness réduite, ne peut pas exclure une interprétation par d’autres facteurs inconnus.

Publiée il y a plus de 6 ans par C. Leroy et collaborateurs..
Dernière modification il y a plus de 4 ans.