La chasse aux trophées soutient-elle la biodiversité ? Une réponse à Di Minin et al.
Cette lettre fait réponse à l'article de Di Minin et al (2016)
Selon les auteurs de cet article, les justifications apportées en faveur de la chasse aux trophées, comme un outil de conservation de la biodiversité, ne vont malheureusement pas suffisamment en profondeur dans l'analyse des mécanismes directs et indirects qui affectent la biodiversité et les écosystèmes. Une plus grande considération des questions d'écologie et d'évolution sont nécessaires pour estimer la valeur sur le long terme de la chasse aux trophées comme réel outil efficace de la conservation.
(1) Des arguments tel que : les estimations d'émissions de gaz à effet de serre générées par l'écotourisme évoquées dans l'articles de Di Mini et al ne peuvent pas être clairement et statistiquement reliées aux pertes de biodiversité. Le maintient de large population de grands animaux, ici principalement des herbivores, ne contribue pas nécessairement à la conservation de la biodiversité, et pourrait même contribuer à son déclin par perturbation des écosystèmes et sur-pâturage. C'est ce qui a pu être observé dans le parc national du Yellowstone, avec la sur-abondance de grands herbivores.
(2) La chasse aux trophées peut également perturber la structure des communautés, (i) en retirant des populations les individus les plus précieux génétiquement, i-e ceux qui portent le moins d'allèles délétères et qui arborent les caractères phénotypiques les plus avantageux. Ou (ii) lorsque des prédateurs sont persécutés pour protéger des espèces de grands herbivores, qui peuvent également représenter des trophées de chasse potentiels. De plus, (iii) l'introduction de certaines espèces dans le but d'élargir les potentiels de chasse aux trophées ou chasse sportive, peuvent entraîner des pertes de la biodiversité et des perturbations des écosystèmes. De manière globale, le risque de déstabilisation et de dégradation des chaînes trophiques par la pratique de la chasse aux trophées peut entraîner une dégradation des écosystèmes et appliquer encore plus de pression sur la biodiversité.
(3) Il y a également des conséquences évolutives de la chasse sélective. Une sélection artificielle peut amener à un déclin de la fréquence des traits phénotypiques recherchés par les chasseurs de trophées dans les populations cibles, comme la taille des individus ou des caractères particuliers comme les défenses. Ces caractères apparents sont souvent liés à la fitness des individus en l'absence de pression de chasse humaine (comme on peut le voir actuellement). La gestion artificielle des populations pour une chasse sélective peut aussi avoir pour conséquence de sélectionner certains traits préférentiels chez la descendances (futurs trophées de chasse) en augmentant ainsi la dépression de consanguinité chez les populations.
Conclusion
Di Minin_et al_ sont corrects lorsqu'ils écrivent que la chasse aux trophées accroît les fonds disponibles à la conservation de la biodiversité en Afrique, mais ils occultent une grande partie, si ce n'est tous les facteurs génétiques et évolutifs déterminants dans l'estimation de la perte ou du gain de biodiversité. Les auteurs de cet article suggèrent que la recherche scientifique dans ce domaine devrait se concentrer sur les variables significatives influençant la biodiversité, et en particulier les aspects évolutifs et écologiques.
Cette review permet de recentrer le débat sur les aspects scientifiques, évolutifs et écologiques, de l'impact de la chasse sur la biodiversité.
Cette review est une lettre courte, une seule page, directement adressée aux auteurs d'un autre article de review paru la même année dans le journal Trends in Ecology and Evolution soutenant l'intérêt de la chasse aux trophées dans le maintient de la biodiversité en Afrique. C'est une critique virulente sur le manque de rigueur de ces derniers quant aux arguments avancés pour expliquer leur point de vu, le passage sous silence de certains aspects évolutifs, ainsi que les corrélations entre les variables étudiées et la biodiversité.