Titre de la review :

L'Atlantide de l'âge glaciaire ? Exploration de la "connexion" Solutréenne-Clovis


Résumé de la review :

Dans l’article paru en 2004, Bradley et Stanford suggèrent l’hypothèse selon laquelle les peuples européens solutréens du Paléolithique supérieur ont colonisé l'Amérique du Nord et donné naissance au complexe archéologique connu sous le nom de Clovis. Selon eux, les preuves archéologiques sont écrasantes. Cependant, ils font face à des défis évidents, notamment les milliers de kilomètres d'océan et les 5000 années radiocarbones qui séparent les deux cultures. Les auteurs de cet article pensent de plus, que les différences entre Solutréen et Clovis sont beaucoup plus importantes que les quelques similitudes, ces dernières s'expliquant facilement par le phénomène de la convergence technologique.

En effet, Bradley et Stanford soutiennent qu'il existe un nombre écrasant et divers de similitudes entre Solutréen et pré-Clovis/Clovis, mais elles sont en réalité peu nombreuses : pointes de projectiles bifaciaux à base concave (pas toujours); lames (petites dans certains cas, assez grandes dans d'autres, et pas toujours); dépassement de l'écaillage (seulement dans certains cas et pas de façon uniforme); pierres exotiques (pas toujours), etc. De plus, la plupart des similitudes se retrouvent dans des éléments fonctionnels ou sont si générales qu'elles sont sans signification historique. Ainsi, il n'est pas surprenant que ces deux complexes aient partagé à divers degrés l'utilisation de pointes bifaciales, de lames ou encore de pierres exotiques, car tous ces éléments, à un degré ou à un autre, se produisent tout au long du Pléistocène. Ces éléments font en fait partie de la trousse à outils commune de l'humanité, et non des artefacts ou des traits uniques à ces deux cultures.

De plus, Bradley et Stanford (2004) observent à juste titre, que les archives archéologiques de l'Asie du Nord-Est sont extrêmement minces concernant les premiers Américains. Mais de nombreuses raisons peuvent expliquer cela, notamment l'invisibilité archéologique relative des petites populations très mobiles, et la portée limitée des recherches qui ont été menées dans cette région du monde. L'absence de preuve dans cette région ne prouve pas l'absence de progéniteurs pré-Clovis.

Également, selon le raisonnement de Bradley et Stanford, l'apparition des Solutréens sur ces rivages aurait été archéologiquement instantanée : Bradley et Stanford envisagent un processus qui se passe en temps réel, au cours de la vie d'un groupe. Les auteurs de cet article pensent plutôt que les groupes sortant de la région de l'Asie du Nord-Est n'auraient pas été soumis à de telles contraintes de temps. Leur mouvement vers et à travers les Amériques aurait pu avoir lieu au cours des siècles, voire des millénaires, au cours desquels leurs boîtes à outils typiquement nord-est asiatiques auraient pu changer de manière subtile ou significative.

Ainsi, pour justifier de façon convaincante une colonisation transatlantique de l'Amérique du Nord par des Solutréens à l'époque pré-Clovis, il serait nécessaire d’avoir certains types de preuves : une datation des assemblages archéologiques pré-Clovis beaucoup plus fiable; la présence dans ces assemblages de nombreux artefacts Solutréens stylistiquement et fonctionnellement distinctifs et uniques (laurier lithique, feuille de saule, etc.), ainsi que la présence de types spécifiques d'œuvres d'art portatives et d'ornements caractéristiques du Solutréen; les abris rocheux associés aux sites pré-Clovis doivent comprendre des peintures, des dessins, des gravures de style solutréen; l'ADN ancien de restes humains pré-Clovis/Clovis devrait contenir distinctement et exclusivement des marqueurs génétiques européens.

Compte tenu de l’importante barrière présentée par l'océan Atlantique Nord pendant le dernier maximum glaciaire et les six millénaires séparant Solutréen et Clovis, il est scientifiquement beaucoup plus raisonnable, selon les auteurs, de maintenir le modèle transbéringie traditionnel pour les premiers peuplements Américains.

Ce que cette review apporte au débat :

Cet article rejette ainsi fermement l’hypothèse de Bradley et Stanford (2004), soutenant que les premiers peuplements américains sont issus de la colonisation de peuples européens solutréens du Paléolithique supérieur. Ces derniers seraient passés par l’Atlantique Nord et auraient donné naissance au complexe archéologique connu sous le nom de Clovis. Selon les auteurs, il est scientifiquement beaucoup plus raisonnable de maintenir le modèle transbéringie traditionnel pour les premiers peuplements Américains. Cependant, beaucoup reste à faire sur des questions comme l’établissement humain dans le nord-est de la Sibérie et en Alaska, le temps de viabilité du « corridor libre de glace » canadien et le mode de déplacement humain vers l'extrémité sud de l'Amérique du Sud. Les archives archéologiques sont en effet encore extrêmement minces.

Publiée il y a presque 7 ans par R. Weppe.
Dernière modification il y a presque 7 ans.