Variation spatiale et temporelle d'efficacité des pollinisateurs : les insectes sauvages fournissent-ils des services de pollinisation constants aux cultures à floraison massive ?
Les abeilles domestiques faisant face au syndrome d’effondrement des colonies, de plus en plus de regards se tournent vers les pollinisateurs non gérés et leur capacité à polliniser les cultures. En effet, leur présence pourrait compenser celles des abeilles domestiques et les interactions entre pollinisateurs domestiques et sauvages pourraient augmenter les rendements.
Ainsi, les communautés d’insectes sauvages pourraient, par leur diversité et leurs variations phénologiques, être l’assurance écologique du service écosystémique de pollinisation.
Cette étude se demande donc si l’efficacité des assemblages des pollinisateurs sauvages dépend de la zone géographique et de l’échelle de temps, mais aussi si cette efficacité est comparable à celle de l’abeille sauvage.
En Nouvelle-Zélande, les auteurs se sont intéressés à 4 grandes cultures de Brassica napa, pendant 4 ans. Cette adventice attire une grande variété d’insectes ce qui en fait un modèle d’étude idéal. L’efficacité des pollinisateurs a été estimée grâce à la quantité de dépôt de pollen et au contact stigmatique, ainsi que grâce à leur fréquence de visite des fleurs et l’abondance de visiteurs par nombre de fleurs.
En termes de statistiques, 3 modèles mixtes ou linéaires généralisés ont été réalisés pour étudier les variations spatiales et temporelles de l’efficacité des pollinisateurs.
Sur 4 ans, les visites sur B.rapa ont été effectuées par 43 espèces de pollinisateurs différents. Ainsi, 4 espèces d’abeilles, dont A.mellifera, et 4 espèces de syrphes ont été catégorisées comme « visiteurs fréquents ». Les autres espèces avaient des comportements de visite variable sur les 4 ans. Les fréquences de visites des fleurs par les abeilles domestiques et sauvages n’étaient pas significativement différentes. Cependant, le succès du contact stigmatique était plus élevé chez A.mellifera, de même que le nombre de visites des fleurs.
Par ailleurs, les « visiteurs fréquents » autres que l’abeille domestique ont fourni une pollinisation constante sur les 4 ans, avec une fréquence de visite comparable à celle d’A.mellifera sur 2 ans.
Cette étude est parue dans Journal of Applied Ecology, une revue sérieuse, et a été cité presque 100 fois bien qu’elle concerne uniquement l’écosystème néo-zélandais.
En ce qui concerne le protocole expérimental, les différences spatiales d’efficacité des communautés sauvages sont probablement dues au fait que les assemblages étaient différents d’un champ à l’autre, certains comprenant des pollinisateurs plus efficaces que d’autres. Aussi, le nombre de visites élevées de la part d’A.mellifera pourrait être dû au fait qu’elles sont intrinsèquement plus nombreuses sur les sites qui contiennent des ruches à proximité.
Cet article montre que certains pollinisateurs peuvent se montrer aussi efficaces dans le temps et l’espace que l’abeille domestique, et peuvent donc être un filet de sécurité face aux problèmes qui touchent cette dernière (e.g. parasites). Par conséquent, si on leur fournit les ressources nécessaires, ces pollinisateurs non gérés pourraient se substituer à A.mellifera.
Finalement, les auteurs montrent ici que l’efficacité de certains pollinisateurs sauvages peut être la même que celle d’A.mellifera . Cependant, cette étude est réalisée dans le paysage insulaire particulier de la Nouvelle-Zélande, et il est difficile de l’appliquer à d’autres pays. Comme dans d’autres articles, on voit bien ici qu’il est difficile de dégager une réponse claire à notre question de controverse, dépendant de la zone géographique, de la ressource et des communautés sauvages considérées.
Il faudra encore du temps pour bien maîtriser la pollinisation par les insectes sauvages, en prenant en compte leur phénologie, leurs besoins de nidification et de ressources, mais aussi en adaptant les pratiques agricoles (e.g. travail du sol). De plus, les assemblages d’insectes sauvages sont différents en fonction des pays, et donc d’autres études sont nécessaires pour adapter les méthodes de gestion et conservation à chaque assemblage.