Titre de l'article :

Comportement alimentaire et d'agrégation chez le Tacaud commun (Trisopterus luscus) autour des éoliennes marines en Mer du Nord belge


Introduction à l'article :

La demande croissante en énergies vertes a favorisé l'implantation d'éoliennes en mer. Ces dernières constituent un habitat potentiel pour des espèces de poissons attirées par des épaves et autres récifs artificiels. Le rôle attractif de ces environnements peut s'expliquer par leur capacité à constituer un abri face aux courants et aux prédateurs, une réserve de nourriture et une nurserie pour les alevins.
La construction de la première ferme éolienne en mer en Mer du Nord belge (MDNB) a été initiée en 2008 à 27 kilomètres de la côte sur une large bande sableuse, Thorntonbank. A la date de publication de cet article, 6 fondations ont déjà été construite pour accueillir 54 turbines sur une surface de 8.64 hectares. Plus de 200 éoliennes y sont attendues d'ici 2020.
Cette étude est la première à s'intéresser à l'effet de la présence d'éoliennes en mer sur les communautés de poissons en MDNB, en particulier sur une espèce économiquement importante : le tacaud commun (Trisopterus luscus).

Expériences de l'article :

La densité de population et les contenus stomacaux des tacauds trouvés autour des fondations d'une éolienne de Thorntonbank ont été étudiés de Juillet à Octobre 2009.
Neuf comptages ont eu lieu dans la zone de protection de l'éolienne (44 m de diamètre, 1600 m²). Les plongeurs ont effectué une rotation de 180° en un point fixe en comptant les poissons face à eux dans un rayon dépendant de la visibilité (méthode de Bohnsack et Bannerot, 1986) pendant 20 minutes, 4h après ou 2 heures avant la marée haute. Les bancs ont été dénombrés à l'aide de la méthode de Bortone et Kimmel (1991). La taille des poissons a été estimée à distance. Le nombre de poisson par m² observé a été extrapolé à la zone de protection.
Les poissons ont été pêchés à la ligne en utilisant comme appât Arenicola marina dans cette même zone, entre 1 et 10 m de la turbine. Les prises ont été mesurées, pesées et leur contenu stomacal a été finament analysé pour connaître l'importance des taxons identifiés dans l'alimentation.

Résultats de l'article :
  1. Densité
    Elle varie de 2 à 44 individus/m² (en moyenne 14 ± 11) dans la zone de protection où la population est estimée à 22000 individus, adultes et juvéniles, par éolienne. Une extrapolation linéaire estime la biomasse de la ferme éolienne à 1/3 des captures annuelles belges. En comparaison, les zones éloignées des turbines ont été échantillonnées par chalutage et la densité y est inférieure (0.0001 individu/m²) (Vandendriessche et al., 2009).

  2. Alimentation
    La majorité des individus collectés avaient une alimentation spécialisée, constituée majoritairement de deux crustacés (Jassa hermani et Psidia longicornis). La proportion relative de cette dernière changeait saisonnièrement. Ces proies sont présentes en grand nombre sur des zones à substrat dur, comme d'autres fermes éoliennes en Mer du Nord.

Pour conclure, la ferme éolienne est un lieu attractif pour T. luscus et pour ses proies. Les bancs y sont plus conséquents qu'en dehors. La méthode utilisée pourrait même sous-estimer leur nombre.

Rigueur de l'article :

Suite à cette étude, les auteurs ont conclu qu'en effet, la zone de protection d'une éolienne sert de refuge à des bancs de taille importante pour cette espèce. Malgré leur conclusion, les auteurs soulignent certains biais pouvant influencer leurs résultats :

  • la méthode de comptage peut sous-estimer le nombre de poissons (visibilité variable, bancs parfois denses)
  • il existe de grandes différences entre observateurs
  • il y a un effet de saisonnalité sur l'abondance de certaines proies et sur le nombre de tacauds
  • l'extrapolation est discutable

Les auteurs comparent leurs résultats à ceux issus d'une méthode d'échantillonnage très différent. En effet, aucune étude ne s'est intéressée à la réaction des tacauds face au chalutage, et la faible densité observée hors de la zone de protection n'est peut-être pas représentative. Il aurait été judicieux que les auteurs effectuent un échantillonnage témoin avec les même méthodes. De plus, le choix des heures/dates d'observation n'est pas justifié.

Ce que cet article apporte au débat :

Malgré les fortes transformations du milieu induites par la construction d'éoliennes en mer, cette étude montre que leur présence est favorable à l'installation d'espèces accommodées à des substrats durs comme des épaves ou des éoliennes qui peuvent y trouver leurs proies et un abri. Ainsi, en plus des avantages écologiques de l'énergie verte produite par les éoliennes en mer, celles-ci pourraient favoriser l'essor de la production halieutique en augmentant considérablement la taille des bancs de poissons d'espèces d'intérêt économique comme le tacaud commun à proximité des côtes.
Cependant, cette étude ne parvient pas à discuter de l'origine de ces bancs. On ne sait pas si ces zones sont favorables à la reproduction et augmentent considérablement le nombre d'individus ou s'il s'agit de zones refuges qui concentrent les poissons des alentours. Elle souligne un autre aspect important qui est la difficulté d'étudier les populations de poissons à grande échelle.

Publiée il y a presque 5 ans par M. Mouana.
Dernière modification il y a presque 5 ans.