Une vue d'ensemble de la bioacoustique des poissons et les impacts des sons d'origines anthropique sur les poissons.
Le milieu marin est naturellement bruyant. On distingue les sons d'origine abiotique (vent, vagues, pluie..., géophonie) et les sons d'origine animale (biophonie). L'activité humaine provoque d'importantes perturbations. La navigation, les sonars, la prospection sismique, les forages et la construction d'infrastructures en mer comme les fondations des éoliennes et l'enfouissement de câbles sont source d'un bruit de fond croissant pouvant perturber la biologie des organismes qui y sont sensibles.
Le nombre d'éoliennes offshore augmente fortement depuis le début des années 2000, surtout en Europe. Le battage de pieux consiste à marteler le sol pour implanter la base de l'éolienne, dont la vibration crée des impulsions sonores puissantes et de basse fréquence (<500 Hz, parfois jusqu'à 1kHz) en fonction du diamètre du pilonne ou du type de sédiment. L'installation de câbles dans le sol produit également des sons de basse fréquence. Une fois installée, les éoliennes émettent un bruit constant lors de leur fonctionnement (180 Hz). Les études se sont surtout penchées sur les perturbations causées aux mammifères marins, mais les poissons constituent une biomasse bien plus importante qu'il est nécessaire de prendre en compte.
Cette revue fait un état des lieux de ce qui est connu sur les capacités acoustiques des poissons, dont l'écologie et l'anatomie (et par conséquent la perception du milieu) sont variées. Elle dresse la liste des effets principaux que peuvent avoir les sons d'origine anthropique sur l'ichtyofaune et met en lumière les lacunes de nos connaissance actuelles sur perturbations sonores que subit ce groupe d'intérêt.
Les vertébrés marins perçoivent leur environnement par l'ensemble de leur sens, et la perception des ondes sonores est particulièrement importante. En effet, le son se déplace dans toutes les directions, rapidement et sur de longues distances dans l'eau. Pour les poissons, il sert de repère spatial pour se diriger, repérer des proies ou des prédateurs et permet la communication intraspécifique pour trouver un partenaire sexuel, se battre ou former un banc. Il joue un rôle vital en particulier dans des eaux turbides. Un grand nombre de poissons sont connus pour émettre des sons, dont des espèces d'intérêt économique comme la morue et l'aiglefin.
L'audition est présente chez tous poissons étudiés : Actinoptérygiens, Elasmobranches, lamproies. Leur gamme auditive s'étend de fréquences très basses (<10 Hz) à 500 Hz pour la majorité d'entre eux, et certaines espèces spécialisées entendre jusqu'à 4000 Hz. Son principe est simple : le corps vibre et des cellules ciliées de l'oreille interne transforment ce signal en influx nerveux. La possession d'une vessie natatoire chez les Actinoptérygiens, sa position, sa taille, jouent un rôle majeur dans l'audition par sa vibration à proximité de l'oreille interne. Ils possèdent dans cette-dernière des otolithes qui aident à la perception. Les ostariophysaires (28% des espèces connues d'Actinoptérygiens) possèdent un organe auditif osseux, dit organe de Weber, qui participe à la conduction sonore. L'audition chez les poissons est donc complexe et la sensibilité variable d'une espèce à l'autre.
La pollution sonore peut engendrer du stress, des troubles du comportement, un bruit de fond qui masque certains sons, des lésions de l'oreille interne, une perte auditive temporaire ou définitive ou des organes voire la mort si le son est suffisamment élevé. Ces effets sont variables d'un individu et d'une espèce à l'autre ainsi que de leur écologie (proche ou dans le substrat, dans la colonne d'eau).
L'étude des perturbations sonores s'est souvent faite dans des conditions très différentes des conditions environnementales réelles. De plus, elles ne prennent pas en compte mouvements de particules induits par la construction également ressentis par les poissons, en particulier chez ceux qui ne possèdent pas de vessie.
La review s'appuie sur de nombreuses références scientifiques et conserve un regard critique sur ses citations. Il ne semble pas y avoir eu de conflits d'intérêts pour sa rédaction. Nous pouvons lui reprocher d'être focalisée essentiellement sur les Téléostéens.
Cette review est importante dans le cadre de cette controverse puisque car elle permet de mieux appréhender le fonctionnement de l'audition des poissons : celle-ci est extrêmement varié, même au sein des Actinoptérygiens qui sont le plus souvent étudiés. Il est donc important, pour étudier localement l'effet de l'installation des éoliennes, de prendre en compte la perception des espèces qui seraient toucher pour évaluer leur impact. Elle montre également certains biais expérimentaux dans l'étude de l'exposition sonore des poissons (aquarium, ou cages sans possibilité de fuite etc.).
Elle montre l'importance de l'audition et de la communication chez les poissons, et par conséquent le nombre important de perturbations que peuvent causer le bruit des éoliennes sur leur mode de vie sans pour autant causer des lésions ou la mort.
Même si elle aborde rapidement les capacités sensorielles des Elasmobranches, la review se focalise essentiellement sur les Actinoptérygiens et n'aborde pas l'anatomie générale ou de l'oreille interne des Chondrichtyens. Pourtant, des derniers dépourvus de vessie natatoire possèdent un foie imposant qui réagit probablement aux vibrations du milieu. Ils pourraient donc être perturbés par les sons d'origine anthropiques.