Les effets du bruit sur la vie aquatique
Ce livre regroupe les résultats d'un grand nombre de publications et fait une synthèse des connaissance sur les systèmes auditifs d'animaux aquatiques divers (cétacés, téléostéens, requins, céphalopodes ...), les sons qu'ils produisent et les effets qu'ont la production de sons d'origine anthropique sur eux.
" Are Sharks Even Bothered by a Noisy Environment"
Ce chapitre en particulier aborde le cas des Elasmobranches.
Les téléostéens sont de plus en plus considérés dans l'étude des perturbations sonores anthropiques sur le milieu marin. Pourtant, les raies et les requins regroupent un nombre d'espèces important qu'il est important d'étudier. Prédateurs, ils jouent un rôle écologique important et certains entrent dans l'alimentation humaine. Environ 60% sont considérées comme menacées, il devrait donc être primordial de les inclure dans les études.
Les auteurs détaillent dans ce livre la manière dont les requins perçoivent les sons et comment ils peuvent être affectés par le bruit.
Les Elasmobranches perçoivent les sons à l'aide de leur oreille interne qui, comme chez d'autres Vertébrés, est sensible à la gravité. Elle participe également à l'équilibre et la locomotion. Cependant, eux ne possèdent pas comme les Actinoptérygiens d'otolithes (des organes qui participent à la détection des sons en vibrant). Au lieu de ça, leur épithélium sensoriel est couvert d'otoconia, un mélange de granules de carbonate de calcium et d'une matrice gélatineuse qu'on observe chez les Vertébrés terrestres et les Téléostéens basaux. Leur oreille interne possède plusieurs caractères qui leurs sont spécifiques.
Lorsqu'un requin perçoit un son, son corps de même densité que le milieu vibre identiquement. A la manière des otolites, les granules carbonatés vibrent différemment car de densité plus élevée. Cela engendre un mouvement des cellules ciliées proches qui transforment ce mouvement en un signal nerveux. Il ne peut détecter que les mouvements de particules, puisque l'absence de vessie natatoire empêche la détection des variations de pression.
L'audibilité a été étudiée chez peu d'espèces (5). Elle est variable, les plus piscivores étaient les plus sensibles aux basses fréquences, l'audition joue probablement un rôle dans la détection des proies. Les espèces démersales semblent plutôt favoriser la détection par la ligne latérale et les ampoules de Lorenzini.
A cette date, aucune expérience n'a été menée sur des Elasmobranches pour connaître les effets de l'exposition à des sources sonores anthropiques. Quelques essais ont montré une réaction chez des requins, rien n'a été testé sur les raies. Pourtant, l'activité humaines engendre beaucoup de bruit qui pourraient les affecter.
Dans le cas des éoliennes en mer, il semblerait que les pilonnes puissent jouer un rôle attractif sur les requins qui ont tendance à se regrouper autour de constructions humaines marines. Mais le battage des pieux pour leur construction représente un risque car les impulsions sonores ont une intensité élevée (237 dB) dans leur fréquence d'audition. Elles pourraient endommager temporairement ou définitivement leur audition. Les coups répétés pourraient provoquer des lésions suite à un barotraumatisme (changement très rapide de pression) similaires à ceux observés chez certains téléostéens. Les raies et certains requins benthiques pourraient être particulièrement affectés par les vibrations qui parcourent le substrat.
Le bruit en fonctionnement d'une éolienne ne serait pas suffisant pour provoquer des lésions mais peut, comme pour les téléostéens, provoquer un phénomène de masquage de son (et perturber la communication et la détection des proies, ou l'évitement des prédateurs).
Les chantiers en mer ne considèrent pas avec la même importance les cibles potentielles des perturbations. Les mammifères marins et les oiseaux sont les plus cités, et les téléostéens même si plus difficiles à étudier sont pris en compte. Les élasmobranches sont cependant délaissés la plupart du temps : comme cité précédemment, plus de la moitié des espèces de raies et requins sont menacées et la transformation des milieux côtiers constitue une menace potentielle. En effet, beaucoup d'espèces vivent près des côtes et celles-ci servent de refuge pour leurs juvéniles. Leur écologie est probablement moins bien connue et un échantillon très peu représentatif nous renseigne de leurs capacités auditives.
Ce livre nous rappelle donc que les poissons ne se limitent pas aux actinoptérygiens et qu'il est nécessaire aujourd'hui d'acquérir plus de données afin d'adapter les protocoles de construction des éoliennes ou autres fondations en mer pour limiter l'impact sur les élasmobranches.
Il est difficile de porter un regard critique sur ce livre qui propose plus d'hypothèses que de réponses. Lui même dénonce la maigreur de la littérature concernant nos connaissances sur les élasmobranches et les interférences entre eux et l'activité humaine (pêche exclue).
Il aurait été intéressant d'aborder la perception du milieu par la ligne latérale pour savoir si elle permet la détection du son dans ce groupe.