Titre de l'article :

Des épisodes abrupts de réchauffement ont conduit à un renouvellement de la mégafaune holarctique du Pléistocène tardif


Introduction à l'article :

Les causes fréquemment citées de l'extinction de la mégafaune au Pléistocène dans l'hémisphère Nord sont la chasse, la fragmentation de l'habitat par l'Homme ou une synergie Homme-climat. La correspondance temporelle entre la colonisation du Nouveau Monde par l'Homme et de nombreuses extinctions sur ce continent vient appuyer ces hypothèses.
L'hypothèse climatique, quant à elle, se voit accorder peu de poids car jusqu'ici aucune étude n'a mis en évidence d'effet des cycles glaciaires sur les extinctions au cours du Pléistocène. Pourtant, cette série a été témoin de nombreuses variations comme les interstadiaux de Dansgaard-Oeschger (réchauffements), le Dernier Maximum Glaciaire et le Dryas récent. Cet article teste une potentielle corrélation entre les changements majeurs concernant la mégafaune (extinctions, invasions) et les variations climatiques dans l'hémisphère Nord de 56 000 BP à l'Holocène.

Expériences de l'article :

Les grands événements intéressant la mégafaune sont déterminés à partir de données à la fois paléontologiques et génétiques (ADN ancien). Deux méthodes sont employées pour dater les extinctions : la dernière date 14C connue pour le taxon et la date inférée par la méthode GRIWM.
Les variations climatiques sont estimées à partir des variations du 18O. Ces données proviennent soit de la chronologie Greenland Ice Core 2005 seule soit combinée avec celles de la séquence marine du bassin de Cariaco au Vénézuela ce qui permet de réduire les incertitudes.
Ceci permet d'établir une frise chronologique où se superposent variations climatiques, extinctions/invasions de la mégafaune et arrivée de l'Homme. De plus, un modèle statistique calcule la probabilité que le chevauchement entre les évènements climatiques et affectant la mégafaune soit dû au hasard en fonction du nombre d'extinctions/invasions considérées. Il sert à tester une éventuelle relation climat-extinctions/invasions.

Résultats de l'article :

Sur la frise chronologique, parmi les 30 taxons considérés les extinctions/invasions n'ont quasiment jamais lieu lors de périodes glaciaires ce qui suggère que le climat froid n'est pas une cause majeure d'extinction. Les mammouths d'Eurasie s'éteignent après ceux du Nouveau Monde alors qu'ils coexistent avec les Hommes depuis plus longtemps : l'hypothèse d'overkill est peu probable pour cette espèce. Avant 45 000 BP, donc avant qu'il y ait des Homo sapiens en Europe, aucune extinction n'est recensée ce qui est en faveur d'une synergie Homme-climat.
Pour les interstadiaux, plus le nombre d'évènements intéressant la mégafaune augmente plus la probabilité que le chevauchement avec les variations climatiques soit aléatoire diminue. C'est encore plus marqué pour les extinctions.
Les changements climatiques rapides et abrupts lors des interstadiaux seraient donc une cause essentielle d'extinctions/invasions de la mégafaune, sans qu'une synergie avec l'Homme ne soit exclue.

Rigueur de l'article :

Aucun conflit d'intérêt n'est déclaré.

Ce que cet article apporte au débat :

Cet article montre que si les périodes glaciaires n'ont a priori pas causé d'extinctions de la mégafaune, les variations climatiques lors des interstadiaux ont, elles, une part de responsabilité. En effet, le chevauchement entre ces variations et les extinctions est probablement non aléatoire.
L'absence d'extinctions en l'absence d'Homo sapiens en Europe suggère une potentielle synergie Homme-climat. Selon les auteurs, l'Homme pourrait perturber les connexions entre les différentes populations d'une espèce. L'hypothèse d'un effet anthropique nécessite davantage de recherches.

Remarques sur l'article :

Dans leur modèle statistique, les auteurs ont écarté les données dont les incertitudes étaient grandes, ce qui est correct. Cependant, cela ne laisse que peu de points pour que la régression linéaire soit robuste (par exemple n=8 pour les extinctions avec correction GRIWM) mais ce n'est pas de leur faute si les données fiables manquaient.

Publiée il y a plus de 3 ans par J. Degen.
Dernière modification il y a plus de 3 ans.