Les changements au sein d'un réseau génétique masquent la contribution de l'évolution des gènes Hox
Les gènes Hox sont des gènes dits "sélecteurs" qui contrôlent le schéma corporel des animaux à symétrie bilatérale en conférant une identité spécifique aux différents segments du corps et en orchestrant leur développement. Changer l'activité d'un gène Hox modifie drastiquement le schéma corporel d'un animal, causant notamment des "homéoses" (remplacement d'un organe par un autre). Ces gènes Hox ont donc été depuis longtemps considéré comme des moteurs essentiels aux innovations morphologiques au cours de l'évolution.
Cependant, comment l'activité de tels gène peut évoluer sans aboutir à des individu difformes et certainement éliminés par la sélection naturelle pose question. Cet étude permet d'imaginer comment une accumulation de mutations en aval des gènes Hox peut rendre viable un changement drastique de l'activité de ces gènes maître du développement, et propose donc un mécanisme moléculaire conciliant "micro" et "macroévolution" pouvant aboutir à des innovations morphologiques.
L'étude se focalise sur deux espèces proches de mouches drosophiles : D. yakuba dont les mâles présentent une pigmentation sombre de l'abdomen (plésiomorphie), et D. santomea chez qui cette pigmentation est absente (apomorphie). Chez D. yakuba, un gène Hox (AbdB) est exprimé dans l'abdomen et active des gènes nécessaires a la pigmentation (yellow, ebony, tan...). Chez D. santomea, ni AbdB, ni yellow,_ ebony_ ou tan ne sont exprimés. Les expériences de l'étude consistent à éteindre ou activer AbdB chez les différentes espèces afin d'observer l'impact sur la pigmentation et sur l'activité des gènes yellow, ebony et tan en aval. S'en suit une analyse des régions régulatrices du gène ebony permettant de comprendre l'activité de ce gène, ancestralement dépendante de AbdB, a pu évoluer.
La différence de pigmentation entre D. yakuba et D.santomea semble simplement reposer sur une différence d'expression de AbdB. Éteindre AbdB chez D. yakuba éteint aussi yellow, ebony et tan, et fait donc disparaitre la pigmentation. Cependant, activer AbdB chez D. santomea ne provoque pas l'activation de yellow, ebony et tan, et ne provoque pas l'apparition d'une pigmentation. Cela suggère que ce n'est pas seulement l'expression de AbdB qui à évolué, mais aussi les relations d'épistasie au sein du réseau génétique contrôlé ancestralement par AbdB. Chez D. santomea, yellow, ebony et tan sont devenu sensible a la répression par un autre gène (Pdm3) et un transposon intégré dans les régions régulatrices du gène ebony rends ce gène insensible à la régulation par AbdB, dont l'expression aurait changé secondairement. Cela suggère qu'il est possible de modifier le développement d'un organisme via le réseau moléculaire contrôlé par un gène Hox sans jouer directement sur l'expression du gène Hox.
Cet article de recherche se focalise sur un cas particulier qui n'est pas nécessairement généralisable aux très nombreux cas décrits où une différence morphologique semble due à l'évolution du profil d'expression d'un gène Hox. Cependant l'idée suggérée par cet étude est compatible avec certaines études précédentes, montrant que pour générer des schéma corporels différents entre différentes espèces, les gènes cibles homologues pouvaient perdre ou acquérir une sensibilité à la régulation par les gènes Hox. Cet article va cependant plus loin que certaines études précédentes en investiguant en détail la manière dont a évolué le réseau génétique en aval des gènes Hox. Cela est rendu possible par le fait que le système étudié soit deux espèces proches présentant une différence marquée et simple a étudier (présence/absence de pigments due à quelques gènes bien connu) combiné a l'utilisation de techniques récentes.
Les résultats issus de la biologie du développement ont longtemps suggéré que les changements de l'activité des gènes Hox était un moteur essentiel de l'évolution morphologique des animaux. Cependant, ce prisme a pu biaisé les études précédentes en les focalisant sur l'étude ces gènes sélecteurs plutôt que sur les réseaux génétiques en aval. Le fait que ces réseaux soient bien plus difficiles à étudier joue également en ce sens.
Il à donc longtemps été compliqué d'imaginer comment l'activité de gènes aussi important que les gènes Hox pouvait évoluer directement sans provoquer des anomalies délétères chez les individus. Ici, il est proposé que le réseau génétique en aval des gènes Hox puissent accumuler de multiples mutations aux effets plus subtiles, et que simultanément ou secondairement l'activité des gènes Hox puissent alors suivre sur cette évolution sans causer de changements morphologiques trop drastiques pour être viables et avantageux.