Les perspectives évolutives de la sexualité de même sexe : les notions d'homosexualité et d'homosociabilité revisitées
Au regard de la bibliographie existante, les auteurs étudient deux théories sur l’évolution de l’homosexualité. La première considère qu’elle est adaptative, la seconde qu’elle dérive d’une autre adaptation.
I- Avantage adaptatif de l’homosexualité :
Les alliances de même sexe augmentent les chances de survie, par partage des ressources, défense contre les prédateurs et par accès à de plus hauts statuts conspécifiques (Muscarella, 2000). De plus, elles permettent aux individus de grimper dans la hiérarchie sociale (Muscarella et al., 2001).
Elles augmentent la cohésion sociale en créant des liens comparables à de la parenté entre individus non parents. Paradoxalement, la hiérarchie et les liens de dominance/soumission sont renforcés dans les relations homoérotiques, entre l’individu actif (dominant) et le passif (soumis) (Cardoso, 2005 ; Nesvig, 2001).
La bisexualité semble être l’orientation sexuelle la plus avantageuse car elle allie les avantages de l’alliance homosexuelle et la reproduction (Gutmann, 1997 ; Kirkpatrick, 2000).
II- L’homosexualité comme un dérivé :
L'homosexualité est (en partie) déterminée par un gène à l'état homozygote. Les homosexuels se reproduisant moins que les hétérosexuels, la fréquence de l'allèle en question dans la population a donc tendance à diminuer naturellement. Dans son état hétérozygote, cet allèle est en fait si avantageux pour l'hétérosexuel qui le possède qu'il se transmet plus (super-dominance), contrebalançant ainsi la faible valeur sélective des homosexuels (homozygotes), et permettant à l'allèle de se maintenir dans la population (lire aussi l'explication de Kirby (2003)). Des expériences montrent toutefois que l'orientation sexuelle n'est pas un caractère Mendelien (Santtila et al., 2009).
D'après McKnight (1997), l'avantage adaptatif de l'état hétérozygote chez l'homme consisterait en la diminution de l'agressivité et l'augmentation du désir sexuel. Ces hommes seraient de meilleurs pères, mieux disposés aux relations à long terme et coopèreraient mieux[1]. Ces caractères, reliés à un taux plus faible de testostérone, sont comparables à une féminisation des hommes, qui dans sa forme extrême serait concrétisée par l'homosexualité. Si l'homosexualité féminine serait aussi un dérivé de cette tendance masculine, qui favoriserait le maintien de traits masculins chez les femmes, et ainsi les alliances féminines, ce mécanisme peine à être prouvé empiriquement (Fraccaro, 2010).
D'après Dewar (2003), ces caractères seraient une adaptation à la vie au sein de sociétés complexes et sédentaires, dont l'existence requière une bonne coopération entre les individus (mais lire aussi Apostolou (2016)). L'augmentation de la fréquence de ce caractère, déjà présent chez de nombreux primates, pourrait cependant être antérieure à la révolution agricole néolithique, et être datée de l'apparition même du genre Homo (Leakey, 1995).
Enfin, la fluidité sexuelle[2] serait une stratégie opportuniste (à l'origine de la bisexualité), qui permettrait à l'individu d'adopter la meilleure attitude possible dans une situation donnée. Elle est plus marquée chez les femmes que chez les hommes.
Les auteurs s'efforcent de produire un message clair et bien documenté, ce qui rend l'article accessible et agréable.
Si cette clarté se fait souvent au détriment de l'étude des différents biais de chaque étude (e.g. identification des individus homosexuels par questionnaire d'auto-déclaration[2]), il faut cependant remarquer que certaines caractéristiques souvent ignorées sont ici prises en compte dans le raisonnement, telles que la notion de fluidité sexuelle (lire aussi Sexual orientation, controversy, and science).
Si l'homosexualité semble être un avantage adaptatif pour la société, elle ne serait qu'un caractère dérivé d'une adaptation à la vie en société. Les homosexuels seraient dotés de la forme homozygote d'un gène qui à l'état hétérozygote, chez les hétérosexuels, améliore la cohésion et la coopération au sein du groupe, et la valeur sélective des individus qui le portent. L'homosexualité ne serait donc pas directement sélectionnée. En outre, la bisexualité, qui allie les avantage de l'homosexualité et la reproduction, apparaît ici comme l'orientation sexuelle la plus avantageuse, et pourrait être, elle, sélectionnée.
Ce qui est présenté comme un "avantage adaptatif" dans la première partie semble être un simple "avantage", qui n'est pas adaptatif dans la mesure où il ne peut être sélectionné directement. Par conséquent, l'opposition entre les deux théories que sous-entend l'auteur n'en est peut-être pas une.