Les facteurs étiologiques partagés contribuent-ils à la relation entre orientation sexuelle et dépression ?
Cette étude a pour objectif de comprendre les causes du risque de dépression deux fois plus élevé chez les non-hétérosexuels (King et al., 2009). Si l'explication principale est la théorie du "stress de minorité", elle n'explique pas tout. Une des autres hypothèses est une cause commune, qui pourrait-être génétique. En effet, les études de jumeaux ou de familles montrent en général que les facteurs génétiques représentent un tiers à la moitié de la variance à la fois dans l'orientation sexuelle (Pillard and Bailey, 1998, Kendler et al., 2000, Santtila et al., 2008, Zietsch et al., 2008, Langstrom et al., 2010) et la dépression (Sullivan et al., 2000, Kendler et al., 2001, Levinson, 2006).
On quantifie ici les implications relatives des facteurs génétiques et environnementaux dans l'orientation sexuelle et la dépression, ainsi que dans leur association.
On étudie des vrais et faux jumeaux adultes australiens. Ils répondent à un questionnaire téléphonique qui permet de catégoriser leur dépression (critère DSM-IV basé sur les symptômes de la dépression) et leur orientation sexuelle (une question: "Avez-vous une préférence sexuelle pour les hommes, les femmes, ou les deux ?").
On évalue aussi chez les sujets étudiés : l'environnement familial à risque, les abus sexuels durant l'enfance, les abus physiques des parents (punitions physiques etc...), le nombre de grands frères, l'âge des parents à leur naissance, et le nombre d'amis proches.
Les hommes et les femmes non-hétérosexuels ont plus de dépression que les autres.
Les facteurs génétiques représentent 31% de la variation dans l'orientation sexuelle, 44% pour la dépression, et sont responsables de 60 % de la relation entre dépression et orientation sexuelle. Le reste de cette relation dépend particulièrement des abus sexuels durant l'enfance et d'un environnement familial à risque, qui participent aussi au déterminisme de la dépression et l'orientation sexuelle individuellement.
Les mêmes facteurs familiaux (génétique et environnement partagé) influencent à la fois l'orientation sexuelle des hommes et des femmes, et aucun résultat de cette étude ne sont en faveur de la théorie des "frères plus âgés" (mais voir Quantitative and theoretical analyses of the relation between older brothers and homosexuality in men).
Le statut des individus est déterminé avec la seule question : "Avez-vous une préférence sexuelle pour les hommes, les femmes, ou les deux ?". Les nombreux biais associés à ce mode de détermination, qui apparaît simpliste, peuvent pourtant être évités à l'aide de questionnaires plus complexes (e.g. "Big Five") qui permettent notamment de mieux représenter la gradation qui existe entre homosexuel strict et hétérosexuel strict (voir Sexual orientation, controversy, and science).
Le principal résultat de cette étude qui éclaire notre controverse est la part du déterminisme génétique de l'orientation sexuelle vis-à-vis de l'environnement : 31%. Ce résultat est en accord avec d'autres études antérieures, et tous leurs résultats sont repris par Bailey et al. (2016).
De plus, bien que la cause soit en partie génétique, l'homosexualité est associée d'un point de vue individuel à un désavantage sélectif autre que la très faible reproduction : la dépression.
Enfin, cette étude constitue une preuve empirique défavorable à la théorie de l'ordre de naissance fraternel (ou théorie de l'immunisation maternelle)[1].
Cet article n'entrant pas dans son intégralité dans la controverse, certaines parties de l'étude n'ont pas été détaillées ou ne sont pas résumées dans cette analyse.