Un test de la théorie de l'affiliation pour les motivations homo-érotiques chez l'humain : les effets de la progestérone et de l'amorçage
Un comportement homo-érotique est un contact érotique entre deux membres du même sexe, et l'affiliation est la motivation pour créer et maintenir des liens sociaux. Bien que couramment employée, l'explication des motivations homo-érotiques par la théorie de l'affiliation n'a jamais été testée expérimentalement. Les liens sociaux (y compris homosociaux) peuvent être renforcés par le comportement sexuel, et la théorie de l'affiliation suppose que la sélection naturelle intervient. La théorie de l'affiliation chez l'homme est en partie basée sur son apparente validité chez les primates non-humains, qui créent et maintiennent du lien social grâce à des comportements homo-érotiques.
On cherche ici à connaître les corrélations entre hormones (progestérone), motivation homo-érotique et affiliation.
Certaines études, mais pas toutes, ont déjà montré que le taux de progestérone augmente en cas d'opportunité de s'affilier avec d'autres personnes (Maner, Miller, Schmidt, & Eckel, 2010).
Les réponses de 960 individus (dont 69% de femmes) à un questionnaire en ligne (comportant des sections sur leur motivation homo-érotique) sont collectées, et 244 d'entre eux sont positionnés sur l'échelle de Kinsey (Kinsey et al., 1948) concernant l'orientation sexuelle. Leur taux de progestérone salivaire est mesuré.
Première étude : y a-t-il une relation entre la progestérone et la motivation homo-érotique ?
194 femmes entre 17 et 22 ans sont étudiées.
Leur risque de conception est évalué en fonction des dates de menstruation. On demande aussi aux femmes si elles suivent un traitement contraceptif hormonal.
Deuxième étude : l'amorçage de l'affiliation favorise-t-il le taux de progestérone ?
60 hommes entre 18 et 27 ans sont étudiés.
Ils sont répartis en trois groupes auxquels on applique des conditions d'amorçage différentes : affiliation, opportunité d'avoir des relations sexuelles de sexe opposé, et neutre. Un questionnaire (mots à trous) permet d'évaluer leur motivation homo-érotique.
Première étude :
Le logarithme de la progestérone et la motivation homo-érotique sont positivement corrélés, et la contraception hormonale de certaines des femmes n'a pas d'effet sur la motivation homo-érotique.
Il y a donc une légère corrélation chez les femmes entre la motivation homo-érotique et la progestérone, qui est associée à l'affiliation. De plus, elle ne diminue pas lorsque le risque de conception augmente.
Deuxième étude :
La motivation homo-érotique est supérieure dans le groupe "affiliation" par rapport aux deux autres groupes.
Il y a une relation significative entre le logarithme de la progestérone et le type d'amorçage : les hommes avec un taux plus élevé de progestérone dans le groupe "affiliation" ont une motivation plus importante.
En bref: l'amorçage de l'affiliation chez les hommes augmente la motivation homo-érotique, et de manière plus importante chez les hommes avec un fort taux de progestérone.
La motivation homo-érotique mesurée ici ne représente pas forcément un comportement homo-érotique, et encore moins une orientation homosexuelle. De plus, sa mesure à partir d'un questionnaire est peu fiable.
L'échantillon de population se résume à des jeunes étudiants américains, la plupart hétérosexuels.
La mesure salivaire du taux de progestérone est, bien que plus pratique, moins fiable qu'une mesure directe dans le sérum. La testostérone et l'ocytocine, qui peuvent aussi avoir une importance dans le mécanisme, n'ont pas été étudiées.
Cet article est en faveur d'un avantage adaptatif lié à l'homosexualité, ou en tout cas au comportement homo-érotique. C'est la première preuve empirique que le comportement homo-érotique humain favorise l'affiliation : il renforce les liens sociaux par le biais de l'augmentation du taux de progestérone.
Son originalité réside principalement dans le fait que l'homosexualité féminine est expliquée, tout comme pour l'homme, par la théorie de l'affiliation.
Un tel lien avait déjà été observé chez les primates non-humains.
Cette étude a fait l'objet d'un article journalistique dans le Huffington Post (27.11.2014) : lire l'article de Marine Le Breton