Inactivation des rétrovirus endogènes porcins à l'échelle du génome
La transplantation d'organes de porc chez l'homme est prometteuse afin de pallier au manque d'organes humains disponibles pour la greffe. Des inquiétudes ont cependant été soulevées qui limitent pour l'instant leur utilisation. En particulier, des virus ont été détectés à l'intérieur du génome porcin, et sont potentiellement transmissibles à l'homme. Les solutions évoquées jusqu'à présent (vaccins, manipulations génétiques) ne sont pas probantes. Dans cet article, les auteurs parviennent à éradiquer les virus d'une lignée cellulaire de rein de porc à l'aide de techniques novatrices de biologie cellulaire.
Cet article illustre la capacité du génie génétique à manipuler un génome et à en inactiver certaines parties.
Afin de détecter des portions d'ADN communes, les auteurs ont analysé les séquences des rétrovirus porcins connus. Un groupe de virus a été identifié en 62 copies dans la lignée cellulaire épithéliale du rein chez le porc. Le gène viral pol, essentiel pour la réplication et donc l'infection virale, a été choisi comme cible du complexe enzymatique CRISPR-Cas9. Cet outil permettant d'éditer une portion d'ADN nécessite la synthèse d'ARN complémentaires à la zone ciblée, qui servent de guide pour l'enzyme. Dans cette expérience, Cas9 et les ARN guides sont insérés dans le génome des cellules puis activés par la présence de doxycycline. Cela va occasionner des insertions et des délétions de nucléotides dans la séquence de pol et le rendre inutilisable par le virus. Les séquences de porc "nettoyées" ont ensuite été cultivées in vitro afin de mesurer l'expression des virus et leur transmission à l'homme.
Après induction continue de doxycycline pendant 17 jours, 37% des génomes viraux ont été ciblés par Cas9 (soit plus d'une vingtaine de virus par génome). Dans la majorité des cas, Cas9 a opéré de petites délétions (moins de 10 nucléotides) dans la séquence cible. Aucune modification hors de la zone cible dans le génome du porc n'a été détectée. Les auteurs ont ensuite observé la répartition des modifications et ont noté qu'environ 10% des cellules testées montrent un très fort impact de Cas9 (97 à 100% des virus touchés). Les autres cellules montrent une efficacité moindre. Enfin, les expériences de culture in vitro sur les cellules présentant les plus hauts taux de modifications ont montré que les cellules de porc modifiées par Cas9 n'expriment pas ou très peu les virus, et que la transmission vers l'homme est réduite d'un facteur 1000.
Dans le cadre de notre controverse, cet article montre un exemple de ce qu'il serait possible de réaliser afin d'empêcher la propagation d'anciens virus contenus dans les génomes d'espèces disparues. Si le génome d'une espèce disparue venait à être reconstruit, il semble que nos outils de génie génétique soient à présent en mesure d'éradiquer, ou du moins de rendre inactifs les rétrovirus endogènes présents dans ce génome.