Titre de la review :

Le corridor de banquise nord-atlantique : une route paléolithique possible vers le nouveau monde


Résumé de la review :

Les premiers peuplements du nouveau monde ont été le sujet d’intenses recherches depuis le début du 20ème siècle. La possibilité d’une présence des premiers américains avant 4000 BC était au début fermement réfutée par les anthropologues, mais la découverte de restes d’outils (pointes, projectiles) associés à des restes de faunes plus anciennes (bisons,mammouths) près des sites de Clovis et Folsom, a permis de repousser l’arrivée des premiers peuplements américains à la fin du Pleistocène. Depuis, des pointes semblables à celles de Clovis ont été découvertes de l’Atlantique à la côte Pacifique et du sud du Canada à l’Amérique centrale.
L’hypothèse des archéologues, acceptée en grande partie de la communauté scientifique, énonce que les ancêtres de Clovis avaient une origine asiatique et qu’ils rejoignirent l’Amérique par l’intermédiaire de la Béringie, un pont terrestre reliant la Sibérie et l’Alaska lorsque le niveau des mers de l’ère glaciaire chuta. Cependant les auteurs de cette article, Bradley et Stanford, s’opposent à cette hypothèse. Ils soutiennent en effet, que le point d’entrée de l’homme moderne en Amérique n’est pas au niveau de la Béringie mais au niveau des glaces de l’Atlantique Nord , et que l’origine des hommes d’Amériques se trouve dans le sud-ouest de l’Europe durant le dernier maximum glacière (LGM).
Selon eux, la culture solutréenne (22 000 à 16 500 BP) serait à l’origine de la culture Clovis (11 500 BP) dû au nombre conséquent de similitudes, beaucoup trop importantes pour de la simple convergence. La similitude la plus impressionnante est la technologie de fabrication des bifaces minces, par l’utilisation de la méthode de « overshot flaking ». Cette technique d'amincissement des bifaces est utilisée de manière délibérée et systématique seulement dans les cultures Solutréenne et Clovis. La complexité, la difficulté et la rareté de cette technique plaident contre un développement indépendant. De plus, la datation et la technologie présentes dans les sites de Cactus Hill (15 000 à 17 000 ans) , Meadowcroft (19 000 à 16 000 ans) et Page-Ladson (14,500 à 14,200 ans) fournissent des liens chronologiques et technologiques «manquants» entre Solutréen et Clovis, faisant d’eux des sites pré-Clovis. Certaines populations solutréennes auraient ainsi traversé le pont de glace qui reliait l'Europe et l'Amérique du Nord pendant le dernier maximum glaciaire, suivant peut-être les mouvements de populations de gibiers (phoques) qui migraient vers le nord durant le réchauffement climatique. La distance totale le long du pont de glace aurait été d'environ 2500 km, plus courte que les migrations des Inuits de Thulé de l'Alaska au Groenland.
Ainsi, l'hypothèse selon laquelle une tradition maritime des solutréens paléolithiques a finalement donnée naissance à la technologie de Clovis est proposée. Elle est appuyée par de nombreuses preuves archéologiques, contrairement à l’hypothèse d’une origine de la culture Clovis en Alaska et dans le nord-est de la Sibérie.

Rigueur de la review :

Cette revue se base uniquement sur des données archéologiques. Les auteurs citent notamment plusieurs fois que seule leur hypothèse est appuyée par des données archéologiques et qu’aucun artéfact Clovis/pré-Clovis n’a été retrouvé en Asie ou en Sibérie. A aucun moment, ils ne discutent de possibles preuves moléculaires pour une origine asiatique ou sibérienne des premiers américains. Leur discours sur les raisons de migrations de populations solutréennes d’Europe en Amérique reste également assez vague, considérant que les chasseurs suivaient le déplacement vers le nord des phoques lors du réchauffement climatique.

Ce que cette review apporte au débat :

Cette revue permet d’apporter une vision complètement nouvelle sur l’origine des premiers américains. Les auteurs soutiennent en effet par des données archéologiques, une origine européenne (sud-ouest) et une migration en Amérique par un pont de glace en l’Atlantique Nord.
Cette hypothèse va à l’encontre de la vision classique d’une partie importante de la communauté scientifique, qui suggère une origine asiatique ou sibérienne et une migration en Amérique par l’intermédiaire de la Béringie.

Remarques sur la review :
  • Les datations des sites de Cactus Hill (15 000 à 17 000 ans) , Meadowcroft (19 000 à 16 000 ans (voir 14 000 ans)) et Page-Ladson (14,500 à 14,200 ans) non présentes dans la revue, viennent respectivement des articles suivants : (Feathers et al., 2006) ; (Adovasio et Page, 2002) ; (Halligan et al., 2016).
  • L'hypothèse solutréenne à peine émise, elle fut instrumentalisée dans les médias, avec le contexte des revendications politiques et historiques des Amérindiens, et celles des opposants à ces revendications (parmi lesquels les ultra-nationalistes blancs).
Publiée il y a environ 7 ans par R. Weppe.
Dernière modification il y a presque 7 ans.