Kennewick et Luzia : leçons sur le paléolithique supérieur européen
Les relations entre les populations américaines du début et de la fin de l’Holocène sont beaucoup débattues, notamment à partir des caractères crâniens. En effet, une étude de Jantz et Owsley (2001) sur 11 crânes américains du début/milieu de l’Holocène, a montré que seulement 1 crâne présentait une affinité morphologique avec les amérindiens récents. Ceci rend ainsi incompatibles les hypothèses d’une relation ancestrale-descendante, et des résultats semblables ont également été obtenus sur les crânes d’américains les plus anciens (Kennewick, Luzia). Cependant, plusieurs anthropologues ont récemment suggéré que la variation de la morphologie crânienne des populations contemporaines était un phénomène relativement récent.
Les auteurs de cet article présentent ici les résultats d’une comparaison morphométrique entre des crânes du Paléolithique supérieur et des crânes modernes, qui, combinés aux résultats génétiques, fournissent de nouvelles perspectives sur ces problèmes de relation.
Les auteurs ont comparé une série de crânes du Paléolithique supérieur européens (EUP) à une sélection des célèbres séries crâniennes de Howells, représentant à la fois des mâles et des femelles dans sept régions géographiques principales. Ils ont estimé la probabilité de typicalité (similarité) d'un spécimen par rapport à une population donnée, en appliquant une modification du test à deux échantillons de Hotelling.
Leurs résultats montrent que 30 des 35 spécimens crâniens EUP disponibles sont statistiquement différents des sept séries crâniennes de Howells. En outre, ils ont constaté que la majorité des 35 crânes de l'EUP montrent une affinité plus étroite avec les crânes non européens qu'avec les crânes européens récents. En revanche, Richards et al. (1996, 1998, 2000) et Sykes (1999), en utilisant de l'ADN mitochondrial, ont démontré que les Européens modernes descendent principalement des immigrants du Paléolithique supérieur (EUP) qui ont pu remplacer les Néandertaliens. Cette observation est soutenue par Semino et al. (2000) en utilisant des marqueurs du chromosome Y non recombinant.
Cette étude n’apporte pas directement au débat mais suggère que l'affinité morphologique crânienne peut être un mauvais indicateur pour la détermination des relations ancestrales-descendantes entre les populations américaines du Pléistocène supérieur et de l'Holocène inférieur, ainsi qu’avec les populations de la fin de l'Holocène. L'affinité morphologique relativement étroite observée entre les vieux crânes américains (Kennewick, Luzia) et certaines populations crâniennes récentes non américaines, ne devrait pas être considérée ainsi comme preuve de relations ancestrales-descendantes. De plus, les différences observées de morphologie crânienne entre les premiers Américains et les Amérindiens modernes (et les Asiatiques de l'Est) n'indiquent pas non plus nécessairement un remplacement des plus anciennes populations américaines par des immigrants plus récents. Enfin, les voies de migration construites sur des bases morphologiques devraient être considérées avec toute la réserve appropriée.
Différentes causes sont proposées pour expliquer la contradiction apparente entre les résultats de la recherche génétique et morphologique. Les auteurs de cet article en proposent notamment deux :