Déclin des mégaherbivores africains au Plio-Pléistocène : absence de preuves d'un effet des hominidés anciens
Cette review s'intéresse à l'hypothèse selon laquelle les hominidés pré-modernes auraient causé l'extinction des mégaherbivores africains (>1000kg) autour de -2 à -1 Ma. Bien que répandue, cette hypothèse n'a encore jamais été rigoureusement testée. Deux mécanismes sont proposés : l'effet direct de la chasse et/ou la compétition des hominidés avec les carnivores, menant à leur disparition et modifiant l'écosystème par prolifération des herbivores du fait d'une moindre pression de prédation. Les auteurs analysent la diversité des mégaherbivores au cours des 7 derniers millions d'années en Afrique de l'Est. Cette région est le berceau des hominidés et comporte de nombreux fossiles du Cénozoïque. Si l'hypothèse est vraie, le déclin des mégaherbivores devrait coïncider ou faire suite à l'apparition du régime carnivore chez les hominidés.
La diversité des mégaherbivores est reconstituée à partir de 101 assemblages de fossiles d'Afrique de l'Est. Afin d'explorer d'autres causes potentielles de déclin, la pression partielle en CO2 atmosphérique, le pourcentage de biomasse en C4 (mesure de 13C dans le sol), l'aridité (mesure de 18O dans les fossiles) et le pourcentage de consommateurs de plantes en C4 (avec δ13C > -1‰ dans l'émail) parmi les ongulés sont pris en compte. Les données pour le temps présent proviennent de 200 aires protégées sur toute l'Afrique.
Au cours de 7 derniers millions d'années, 28 lignées de mégaherbivores se sont éteintes. Aujourd'hui, le maximum d'espèces de mégaherbivores sympatriques en Afrique est de 5, contre jusqu'à 10 parmi les fossiles étudiés, ce qui atteste d'une diversité supérieure à l'actuelle. Les résidus pour les assemblages fossiles (écarts avec la régression linéaire basée sur le pourcentage de mégaherbivores dans les communautés actuelles) sont tracés en fonction du temps. Cela met en évidence un déclin des mégaherbivores datant du début du Pliocène, avec un point de rupture à -4,6 Ma. A cette date, les hominidés étaient des australopithèques ou des pré-australopithèques, comparables à des grands primates sur deux pattes, qui, s'ils chassaient des proies plus petites qu'eux, étaient incapables de chasser des mégaherbivores. L'hypothèse des hominidés comme cause initiale peut donc être écartée.
Le taux de diminution ne varie ni avec l'apparition d'Homo erectus (première espèce à consommer beaucoup de viande) à -1,9 Ma ni autour de -2 à -1 Ma, date de la supposée accélération anthropogénique de l'extinction. Cependant, la courbe correspond bien à celles de la diminution de la pCO2, de l'expansion des prairies en C4 et de l'augmentation de la proportion d'ongulés consommateurs de plantes en C4. Il n'y a pas d'association avec la courbe de l'aridité. L'expansion des prairies en C4 a favorisé les herbivores "pâtureurs" au détriment des herbivores "brouteurs" et mixtes qui se nourrissent de plantes en C3. Or les mégaherbivores éteints sont majoritairement des mégaherbivores "brouteurs" ou mixtes. De plus, leur grande taille les défavorisait par rapport à d'autres espèces plus petites pour la recherche de plantes en C3.
L'expansion des prairies en C4 est due à la diminution de la pCO2 avec un effet favorisant des épisodes d'aridité. Certaines espèces de carnivores éteintes avaient comme proies de prédilection les jeunes mégaherbivores. Ainsi l'extinction des mégaherbivores, davantage qu'une compétition avec les hominidés, pourrait être la cause de l'extinction des carnivores. Une analyse plus détaillée sera nécessaire afin d'expliquer le déclin des carnivores. Si l'on cherche un véritable effet anthropogénique sur les écosystèmes, il vaut donc mieux se focaliser sur l'apparition d'Homo sapiens autour de -300 000.
En résumé, le déclin des mégaherbivores africains est important à partir de -4,6 Ma, date à laquelle les hominidés n'étaient pas capables de les chasser donc l'hypothèse des anciens hominidés comme cause est réfutée. L'augmentation des plantes en C4 liée à la diminution de la pCO2 serait la cause de déclin.
Les aires protégées utilisées pour l'estimation des mégaherbivores actuels sont réparties sur toute l'Afrique alors que les fossiles utilisés pour reconstituer leur histoire se situent uniquement en Afrique de l'Est. Il aurait été préférable d'utiliser des aires protégées d'Afrique de l'Est. Les références et données complémentaires sont disponibles, il n'y a pas de conflit d'intérêt des auteurs/institutions.
L'hypothèse selon laquelle le déclin des mégaherbivores africains est dû aux hominidés anciens était assez répandue sans avoir été testée. Cette review la réfute en montrant que le déclin des mégaherbivores a commencé bien avant que les hominidés ne soient capables de les chasser et propose plutôt l'expansion des plantes en C4, que les mégaherbivores disparus ne consommaient pas, comme cause de leur déclin.
It has long been proposed that pre-modern hominin impacts drove extinctions and shaped the evolutionary history of Africa’s exceptionally diverse large mammal communities, but this hypothesis has yet to be rigorously tested. We analyzed eastern African herbivore communities spanning the past 7 million years—encompassing the entirety of hominin evolutionary history—to test the hypothesis that top-down impacts of tool-bearing, meat-eating hominins contributed to the demise of megaherbivores prior to the emergence of<jats:italic>Homo sapiens/jats:italic. We document a steady, long-term decline of megaherbivores beginning ~4.6 million years ago, long before the appearance of hominin species capable of exerting top-down control of large mammal communities and predating evidence for hominin interactions with megaherbivore prey. Expansion of C<jats:sub>4/jats:subgrasslands can account for the loss of megaherbivore diversity.