L'espace de la controverse sur les extinctions de la mégafaune du Quaternaire
Dans cette review, les auteurs ont étudié la controverse sur la disparition de la mégafaune à l'aide d'une analyse épistémologique pour comprendre l'origine et le développement du débat, en modélisant un espace de controverse (CSM ou controversy space model). Ces espaces sont des structures dynamiques où les axes de discussion peuvent changer avec le temps. La review regroupe les causes hypothétiques sous trois grands groupes : l'Homme, l'environnement et les interactions biotiques.
D'abord, ils décrivent un point de départ ancien, avec l'origine de l'étude des matériaux fossiles en 1565 par Gressner, puis ils construisent un schéma chronologique de controverses afin d'arriver au sujet spécifique : les causes de l'extinction de la mégafaune au Quaternaire.
Bien que la controverse existe depuis plus longtemps, ils expliquent que c'est en 1967, avec l'hypothèse d'Overkill de Martin, qu'un vaste débat débute et durera des décennies entre ses défenseurs et ceux en faveur de l'hypothèse des changements environnementaux. L'hypothèse de la sur-chasse est discréditée par les opposants, car les petites populations de chasseurs-cueilleurs seraient incapables selon eux de mener à l'extinction la mégafaune en si peu de temps et à l'échelle globale. Pourtant, au début des années 2000, plusieurs études utilisant des modèles mathématiques soutiennent l'hypothèse de l'Overkill.
Au début des années 2010, les premières analyses mathématiques prenant en compte l'ensemble des données globales suggèrent plusieurs causes possibles pour l'extinction de la mégafaune. Ces modèles permettent de distinguer des tendances régionales. Par exemple, les extinctions en Amérique du Nord et en Australie sont attribuées probablement à des causes anthropiques. Toutefois, l'Eurasie reste un sujet de controverse, mais certains auteurs défendent une cause climatique. D'autres régions, comme l'Amérique du Sud et l'Afrique, sont peu étudiées malgré certaines preuves en faveur de causes climatiques.
Au cours de ces dernières années, le nombre d'articles utilisant des outils mathématiques mettant en lien les différentes variables a augmenté. Ces études sont en faveur d'une synergie entre l'impact anthropique et le climat dans les différentes localités. Une autre tendance est observée avec la prise en compte des effets biologiques dans les processus d'extinctions. Par exemple, une modification de la niche écologique provenant de la perte de diversité de la végétation locale augmente la probabilité d'extinction de la mégafaune.
Cependant, d'un point de vue général, la controverse est dans un blocage conceptuel. Les scientifiques sont regroupés autour de deux paradigmes : les défenseurs de la cause anthropique et les défenseurs de la cause environnementale. Chaque position théorique de la controverse explique une partie de la réalité probablement vraie mais incomplète.
Une refocalisation de l'espace de la controverse est alors proposée par les auteurs de la review, en formalisant les systèmes écologiques sous la forme de modèles mathématiques. Ainsi, il ne s'agit plus de trouver la cause finale de l'extinction de la mégafaune, mais de déterminer l'importance de chaque variable dans la disparition de ces organismes. Cette possibilité résulte de l'apparition du big data et de la capacité à analyser ce type de données, permettant de déduire des tendances pour les différentes variables. Ces variables peuvent être des traits biologiques (taille corporelle, taux de reproduction, capacité compétitive...), des processus écologiques, climatiques ou anthropiques.
Références et données complémentaires disponibles, il n'y a pas de conflit d'intérêt des auteurs/institutions.
Cette review apporte une vision globale de la controverse, sous un angle épistémologique, et permet de comprendre le cheminement de la réflexion scientifique sur le sujet. Adopter cette vision est essentiel lorsque l'on étudie les controverses. Il faut délimiter les différents paradigmes qui s'opposent pour appréhender les enjeux actuels.
Selon les auteurs, le débat semble être dans un blocage conceptuel avec deux paradigmes qui s'opposent. Il serait possible d'évaluer l'évolution de ce blocage, en comparant les dernières parutions de publications et les discriminer selon les deux paradigmes. Il est probable aussi qu'il y ait un déblocage conceptuel de la controverse, avec des publications scientifiques évaluant le rôle synergique des différentes variables.