Les extinctions des mammifères d'Afrique continentale lors du Pléistocène tardif et de l'Holocène
Contrairement aux autres continents, les extinctions de la mégafaune en Afrique durant le Pléistocène tardif et l'Holocène, soit les 126000 dernières années, n'ont suscité que peu d'intérêt et demeurent assez mal étudiées. La communauté scientifique a longtemps considéré l'Afrique comme "une anomalie chanceuse" du point de vue des extinctions de la mégafaune car 38 genres appartenant à la mégafaune subsistent aujourd'hui sur ce continent contre moins de 20 ailleurs sur Terre (Koch et Barnosky, 2006).
Concernant les interactions avec les hominidés, des preuves de chasse ont été retrouvées à partir de l'Age de Pierre moyen et tardif (soit après -280 000 ans). Martin propose que la longue co-évolution entre l'Homme et la mégafaune en Afrique a laissé le temps aux proies d'élaborer des mécanismes de défense. Cette hypothèse expliquerait pourquoi en Amérique et en Australie, où la mégafaune était "naïve", les extinctions ont été rapides et majeures.
Klein, en s'appuyant sur les données d'Afrique du Sud, découvre dans les années 80 que les ongulés "pâtureurs" ont été remplacés par des "brouteurs" lors de la transition Pléistocène-Holocène, ce qui suggère un rôle des changements environnementaux dans les extinctions. Selon Klein, la chasse a également eu un rôle essentiel car la mégafaune ayant déjà survécu à des changements climatiques auparavant, le climat seul ne pouvait pas expliquer les extinctions. Il propose que les Hommes de l'Age de Pierre tardif chassaient beaucoup plus efficacement que ceux de l'Age de Pierre moyen. Cependant, depuis la formulation de ces hypothèses, la communauté scientifique s'accorde sur le climat comme cause unique car aucune différence majeure entre la chasse de l'Age de Pierre moyen et tardif n'a été démontrée.
En Afrique, depuis le Pléistocène tardif, 24 espèces de mammifères de plus de 5 kg se sont éteintes. Ce sont 25% de la mégafaune africaine (> 44 kg) qui ont disparu. Les espèces appartiennent à 6 genres éteints (Megalotragus, Rusingoryx, Megaceroides, Metridiochoerus, Kolpochoerus, Stephanorhinus), 2 genres représentés aujourd'hui uniquement par des espèces domestiques (Bos et Camelus) et 1 genre ayant survécu ailleurs (Elephas). La review regroupe les données paléontologiques disponibles et les datations associées pour ces 24 espèces. L'auteur précise qu'il y a un biais d'échantillonnage car le nombre de fossiles retrouvés diffèrent, ce qui rend difficile l'estimation des dates d'extinctions. L'habitat et le régime alimentaire probable est détaillé pour chaque espèce. La majorité des taxons semble être des pâtureurs préfèrant les milieux ouverts.
En Afrique du Sud, 22 espèces ont disparu entre 1 million et 126 000 ans avant aujourd'hui donc avant la période étudiée. Ces extinctions sur un temps long sont en faveur d'un changement climatique ou d'une grande spécialisation plutôt que d'un effet anthropique.
En Afrique de l'Est, les extinctions sont probablement liées à l'évolution des prairies arides vers un milieu mésique du fait d'une augmentation des précipitations, causant la disparition des espèces dominantes de l'écosystème.
L'Afrique du Nord a vu s'éteindre le plus grand nombre d'espèces. Les datations de cette région sont de mauvaise qualité. Les pâtureurs sont les taxons les plus affectés. Une augmentation brutale de l'aridité aurait entrainé une compétition pour l'eau.
Le pourcentage de pâtureurs parmi les ongulés éteints est significativement plus grand que parmi les existants (Reed, 1998) ce qui confirme que les extinctions des mégamammifères ont concerné majoritairement les pâtureurs.
Suite à l'expansion des prairies arides en C4 au Miocène, les ongulés se sont spécialisés pour ce type de milieu. Cependant, leur spécialisation les a probablement rendus plus sensibles aux changements de climat et d'habitat. Ce "tri sélectif taxonomique" serait responsable des extinctions des mégamammifères africains de la fin du Pléistocène et l'Homme ne serait donc pas en cause.
L'auteur ne déclare pas de conflit d'intérêt. Concernant la date présumée d'extinction, l'auteur explicite bien qu'il y a un biais d'échantillonnage : lorsque le nombre de fossiles par taxon augmente, la dernière datation connue pour ce taxon est de plus en plus récente. Cela signifie que peut-être que certains taxons se sont éteints plus tard qu'estimé. Il existe néanmoins des méthodes de correction de cet effet Signor-Lipps, qui n'ont pas été utilisées ici.
Cette review s'intéresse à l'extinction de la mégafaune à la fin du Quaternaire sur continent africain, assez peu étudiée dans la littérature en comparaison avec les autres continents. L'auteur reprend les données disponibles pour 3 régions : le Sud, l'Est et le Nord. Pour chacune des 24 espèces éteintes, il détaille son habitat et son régime alimentaire, ce qui met en évidence que la majorité des taxons éteints étaient des pâtureurs. Cela conduit à la formulation de l'hypothèse selon laquelle leur spécialisation aurait rendu les taxons pâtureurs plus sensibles aux changements d'habitat et de climat. Il semblerait également qu'au moins en Afrique du Sud les extinctions aient commencé avant le Pléistocène tardif : c'est donc un processus progressif. Aucune preuve n'est en faveur d'un effet anthropique. Cette review est assez complète et bien détaillée, c'est l'une des rares s'intéressant à l'Afrique.
L'auteur prend en compte les mammifères de plus de 5 kg or la mégafaune commence à 44 kg. Néanmoins, dans la plupart des espèces considérées les adultes pesaient probablement plus de 44 kg, mais il reste possible que certaines espèces n'appartiennent pas à la mégafaune.
Understanding the cause of late Quaternary mammal extinctions is the subject of intense debate spanning the
fields of archeology and paleontology. In the global context, the losses on continental Africa have received little
attention and are poorly understood. This study aims to inspire new discussion of African extinctions through
a review of the extinct species and the chronology and possible causes of those extinctions. There are at least
24 large mammal (N5kg) species known to have disappeared from continental Africa during the late Pleistocene
or Holocene, indicating a much greater taxonomic breadth than previously recognized. Among the better
sampled taxa, these losses are restricted to the terminal Pleistocene and early Holocene, between 13,000 and
6000 yrs ago. The African extinctions preferentially affected species that are grazers or prefer grasslands.
Where good terrestrial paleoenvironmental records are present, extinctions are associated with changes in the
availability, productivity, or structure of grassland habitats, suggesting that environmental changes played a
decisive role in the losses. In the broader evolutionary context, these extinctions represent recent examples of selective
taxonomic winnowing characterized by the loss of grassland specialists and the establishment of large
mammal communities composed of more ecologically flexible taxa over the last million years. There is little reason
to believe that humans played an important role in African extinctions.