An assessment of South China tiger reintroduction potential in Hupingshan and Houhe National Nature Reserves, China
Le tigre de Chine méridionale (Panthera tigris amoyensis) est considéré comme en danger critique d’extinction. Cet article relate la première réintroduction à grande échelle de ce carnivore dans la réserve nationale naturelle d’Hupingshan-Houhe, considérée comme la plus grande (1100 km²) et la plus adaptée à une réintroduction de tigres sauvages en Asie.
Cependant, étudier de tels carnivores est une tâche compliquée à cause de leur faible densité de population et de leur comportement. L’étude s’est donc basée sur l’observation de la densité des proies : une forte corrélation a été établie entre l’abondance des tigres et la disponibilité des proies. L’indice de qualité de l’habitat (IQH) a été utilisé pour estimer comment la distribution et l’abondance des proies peuvent renseigner sur une restauration des grands carnivores. Cette étude constitue une première évaluation scientifique pour d’éventuelles futures réintroductions de grands carnivores en Asie et dans le monde.
Le complexe de la réserve naturelle nationale d’Hupingshan-Houhe consiste en 2 réserves naturelles adjacentes. La topographie y est hétérogène, avec des altitudes élevées, des ravins profonds et des vallées étroites. Sur les 9 espèces proies des tigres, 2 ont été retenues pour l’étude : le sanglier (Sus scrofa) et le cerf Sika (Cervus nippon).
Les sites potentiels de mise en liberté des proies sont évalués grâce à l’indice de qualité de l’habitat (IQH). Plusieurs scénarios ont été créés, prenant en compte la saisonnalité. Un IQH élevé atteste d’une densité et d’une abondance élevée, ainsi que d’un taux de survie et de fécondité important. Etant donné que les densités de population et de poids du sanglier et du cerf indiquent une densité de biomasse comparable, ces proies sont d’égale importance pour le tigre. Les IQH ont donc été estimés pour identifier les sites idéaux pour ces 2 espèces.
Pour le sanglier, le modèle a pu identifier des potentiels habitats (critère été) ayant des tailles variant de 372 à 714 km², contre 256 à 696 km² pour le critère hiver. Concernant le cerf, les potentiels habitats identifiés avaient des tailles variant de 443 à 747 km² (critère été), contre 257 à 734 km² pour le critère hiver.
Des sites prioritaires ont été identifiés avec un IQH>6 et une aire> 1 km². Leur superficie totale s’étendait de 195 km² à 709 km², mais la superficie spécifique de ces sites prioritaires s’étendait de 93 km² à 610 km².
Les capacités d’accueil de ces sites étaient de 596 à 2409 individus pour les sangliers, et de 468 à 1929 pour les cerfs. Pour le domaine entier de la réserve naturelle, cette capacité s’élevait de 2321 à 2960 individus pour les sangliers, et à 1895 à 2370 pour les cerfs.
La réserve nationale naturelle de Hupingshan-Houhe constitue donc un site potentiel pour la remise en liberté des tigres, avec plusieurs paramètres à prendre en compte.
Cet article présente des méthodes fiables d’estimation de la qualité des habitats pour les espèces proies des tigres. Les évaluations se font en prenant en compte les différents paramètres constituant un écosystème (couverture terrestre, altitude, pentes, distance jusqu’à l’eau, distance à la lisière de la forêt, taux de perturbation). Les calculs des IQH prennent en compte différents scénarios saisonniers pour représenter au mieux les conditions in situ.
Il faut garder à l’esprit que cette étude ne prend en compte que 2 espèces proies (la densité des proies est supérieure en temps normal). Ensuite, des données concernant la population humaine de la réserve naturelle pourraient aider à une meilleure modélisation des conflits humain/vie sauvage. Les modèles utilisés pour les calculs n’ont pas pris en compte les interactions spécifiques susceptibles d’influencer la distribution des espèces, leur comportement et à plus long terme la capacité d’accueil du site.
Cet article montre que la réintroduction des grands carnivores est possible, mais que des études très précises sont nécessaires avant. Le meilleur moyen d’évaluer si une réintroduction peut être un succès est d’estimer la densité et la répartition des proies. Cette étude démontre également que la qualité des habitats et la faible disponibilité en proies est une des contraintes face à la réintroduction, mais qu’une restauration en proies peut bénéficier à la conservation de la biodiversité de l’écosystème étudié. La restauration des habitats pourrait promouvoir les programmes scientifiques de conservation de la biodiversité nationale et mondiale.
Il est indiqué que si les tigres en liberté totale devaient retourner en Chine du Sud et méridionale, des études similaires seraient nécessaires, avec une évaluation précise de sites suffisamment grands, connectés et protégés pour permettre un maintien d’une population de proies suffisante. Il faudra également prendre en compte les comportements humains pour permettre aux prédateurs introduits de subsister dans leur environnement. Ce programme de réintroduction pourrait amener la Chine à développer cette vision de réintroduction et de conservation des espèces à long terme, et lui permettrait de suivre les traces des travaux effectués en Europe et en Amérique du Nord.