La diversité est payante dans la pollinisation des cultures
Il y a une vingtaine d’années, la pollinisation des cultures était attribuée à l’abeille domestique. Cet article fut un des premiers à nuancer cette idée. Partant du principe que les abeilles gérées ont été implantés dans le monde pour leur aptitude mellifère et non pas pour la pollinisation, les auteurs estiment qu’au vu de la grande diversité de fleurs existantes, leur seule présence ne peut pas fournir une pollinisation aussi efficace qu’estimée.
De par leur morphologie unique, mais aussi leur comportement généraliste, les abeilles domestiques ne seraient pas des pollinisateurs aussi utiles que les communautés sauvages.
Cet article est en quelque sorte une review. Il fait état de toutes les connaissances du XXème siècle permettant de rejeter l’hypothèse d’une efficacité accrue des abeilles domestiques pour la pollinisation des cultures. De plus, il donne aussi des informations sur les méthodes de pollinisation sans recours aux abeilles, e.g. à la main, en soulignant leurs inconvénients économiques.
A travers des études de cas, e.g. Trifolium pratense, Medicago sativa, l’article indique pourquoi les abeilles domestiques ne sont pas les meilleurs pollinisateurs. En effet, en collectant le nectar, il se peut qu’elles ne touchent pas au pollen et donc ne pollinisent pas les plantes en question. De plus, leur morphologie et leur comportement ne leur permettent pas de pouvoir prétendre à la pollinisation de toutes les espèces. Aussi, la vulnérabilité des abeilles domestiques aux parasites tels que Varroa destructor engendre un risque si on ne compte que sur elle pour la pollinisation des cultures.
Cependant, dans les cultures d’espèces exotiques, leur présence peut-être bénéfique car elles sont généralistes, alors que les autres pollinisateurs sauvages sont souvent spécialistes et ne se nourrissent pas sur ces plantes.
Par ailleurs, la pollinisation à la main peut être efficace, bien qu’elle demande un certain coût, à la fois économique et de main-d’œuvre.
La complémentarité des domaines d’études des auteurs est ici importante : Gerhard Gottsberger est un botaniste reconnu, alors que Christian Westerkamp est un entomologiste et écologiste ayant déjà écrit sur la faible efficacité des abeilles domestiques en tant que pollinisateurs (Westerkamp, 1991). On peut donc penser que cette review est écrite par des auteurs bien renseignés, même si la volonté de minimiser l’importance des abeilles domestiques dans les cultures, présente dès le départ, est un fort parti-pris.
D’après cet article, la vision de l’abeille domestique en tant que pollinisateur ultime serait due à l’ « ignorance » et aux « connaissances superficielles » chez certains scientifiques et au sein de l’opinion publique. La stratégie de cette review est donc de créer une nouvelle base d’étude visant à une reconsidération de l’efficacité des pollinisateurs, pas seulement destinée à la communauté scientifique, mais aussi et surtout pour les agriculteurs et apiculteurs.
En pointant du doigt le fait que les abeilles domestiques n’ont pas la morphologie, la phénologie et le comportement idéaux pour polliniser les cultures, les auteurs réhabilitent l’idée de la nécessité des abeilles sauvages, 10 ans après le débat entre Morse (Morse, 1991) et Corbet (Corbet, 1991).
Le comportement spécialiste des pollinisateurs non gérés peut certes être vu comme un inconvénient, mais il apporte aussi une meilleure efficacité de pollinisation.
L’absence de besoin de gestion de ces espèces sauvages peut également être vu comme un avantage.
Finalement, cet article indique qu’une meilleure connaissance de l’écologie des plantes pollinisées et des pollinisateurs pourrait amener à reconsidérer le rôle de l’abeille domestique dans la pollinisation des cultures, mais aussi permettre d’économiser de l’argent.
Les références citées dans cette analyse sont :
Pollination is an often overlooked but large cost factor in crop production. In spite of the high diversity of flowers, which requires an adequate diversity of pollinators, almost all animal pollination is simplistically ascribed to the manageable but often less efficient pollinator, the European honeybee, Apis mellifera L. In the case of poor pollination by honeybees, a number of costly techniques is applied to enforce fruit set - often with poor results. Finally, growers may resort to hand pollination, which greatly raises production costs. Knowledge of the appropriate pollinator is already available in many cases, however. This is demonstrated in this paper with examples spanning the whole range of pollination syndromes. To make this knowledge accessible, an expert-based Internet-accessible database is suggested.