Titre de la review

La fertilisation par le fer : une revue scientifique avec des recommandations pour les politiques internationales

Résumé de la review

L'océan sert de puit car il absorbe le CO2 (dioxyde de carbone) grâce à la photosynthèse du phytoplancton. Le phytoplancton est responsable d’environ la moitié de la fixation de carbone sur la planète. Le CO2 atmosphérique est assimilé et stocké dans ces plantes microscopiques par la photosynthèse.

C’est le docteur John Martin qui a proposé l’utilisation de la pompe biologique pour résoudre le changement climatique. Il suggéra que le manque de fer limite la croissance du phytoplancton dans les océans et que l’ajout de fer dans l’océan pourrait augmenter le prélèvement de carbone de l’atmosphère.

Les arguments en faveur de la fertilisation
Pendant les périodes glacières, la quantité de carbone séquestrée dans les océans serait bien supérieure. Dans les périodes inter-glaciaires, le puit océanique serait sous-utilisé.
Un bloom de phytoplanctons provoqué par la fertilisation par le fer augmente le prélèvement en CO2. Secondairement la biomasse augmente à travers la chaîne alimentaire : il y a plus de zooplanctons ce qui augmente les populations de poissons. Les blooms de phytoplanctons produisent aussi du diméthyle sulfide ou DMS. Le DMS relâché dans l’atmosphère sert à la formation de nuages. Or les nuages renvoient les rayons du soleil ce qui réduit le réchauffement de la planète.

Les arguments contre la fertilisation
Quand le phytoplancton mort coule, le carbone est séquestré. En revanche, s’il est mangé par le zooplancton, alors beaucoup de carbone est relâché par le métabolisme du zooplancton réduisant ainsi l'efficacité de la fertilisation par le fer.
L’ajout de fer dans les océans pourrait avoir une série d’effets négatifs en cascade :

  • Il maximise localement l’utilisation des nutriments ce qui est bénéfique pour les organismes mais dans un second temps cela produit un déficit en nutriments produisant des changements des écosystèmes.
  • Il cause probablement de l’hypoxie (manque d’oxygène). Cette hypoxie est due aux blooms de phytoplanctons qui empêchent les rayons du soleil de pénétrer profondément dans l’eau et créent une surcharge en bactéries décomposantes. Ces bactéries consomment l’oxygène de l’eau quand elles décomposent le phytoplancton qui coule.
  • Il peut changer le type de plancton et les autres espèces qui survivent. Ce changement cause potentiellement l’extinction locale de certaines espèces et pourrait aussi affecter l’influence du rétrocontrôle positif du système DMS. Au lieu de produire du DMS, les populations peuvent produire des gaz à effet de serre comme le méthane ou les oxydes nitreux. Ces gaz augmentent plus le réchauffement climatique que le CO2.
  • Il peut conduire à l’introduction d'organismes microscopiques qui peuvent faire des ravages sur les écosystèmes.
  • Augmenter la quantité de CO2 stocké dans les océans peut nuire aux créatures qui y vivent. En effet, l’augmentation de la concentration en CO2 dans les océans conduit à l’acidification et ralenti le taux de croissance des organismes utilisant le carbonate de calcium comme les récifs de coraux et les crustacés.

De plus, les expériences en bouteilles ne reflètent pas exactement les conditions naturelles. Ces expériences consistent à ajouter du fer en particules dans des bouteilles d’un litre d’eau de mer et à observer la croissance du phytoplancton et le changement de concentration en CO2. Les projections de ces expériences surestiment le potentiel de prélèvement par la fertilisation en fer. Dans les expériences de fertilisation par le fer dans les océans, une grande quantité du fer ajoutée est perdue avant de pouvoir être utilisée par le phytoplancton.

Conclusion : les bénéfices de la fertilisation des océans ne sont pas suffisants pour compenser les effets négatifs. Il est donc nécessaire de réguler son utilisation. Cette régulation doit avoir lieu au niveau international.

Rigueur de la review

Cette review présente les points positifs et négatifs de la fertilisation des océans par le fer. Cela permet au lecteur de se faire sa propre idée sur le sujet. La majorité des points positifs et négatifs abordés dans les autres articles que j'ai pu lire sont résumés ici. Il semble donc que cette review soit assez objective.
Elle aborde aussi les différents problèmes de mise en place d'une réglementation de la fertilisation des océans par le fer. Elle présente différentes chartes appliquées à différentes échelles. Si elle ne peut sans doute pas être exhaustive, un effort de prise de recul a été fait.

Ce que cette review apporte au débat

Cette review permet de mieux comprendre les objectifs de la fertilisation des océans. Elle expose les effets positifs et négatifs de la fertilisation par le fer. La fertilisation des océans n’apparait pas comme une stratégie d’atténuation appropriée pour le changement climatique. Ces bénéfices supposés n’ont pas été démontrés sur le terrain et ne sont pas suffisants pour compenser tous les effets négatifs qui peuvent en résulter.
Cette review prend du recul en mettant en évidence qu'il n'y a pas de réglementation concernant ce processus d'ingénierie des écosystèmes. La pratique de la fertilisation par le fer n’est pas abordée explicitement dans les accords internationaux, mais cela pourrait être fait facilement avec de légères modifications des termes des protocoles de Londres et/ou de Kyoto. L'auteur propose une série de recommandations pour faciliter la mise en place de cette réglementation.

Remarques sur la review

Une partie de cette review est consacrée aux problèmes de mise en place d'une réglementation de la fertilisation des océans par le fer. Les termes utilisés dans le texte des conventions sur la pollution et le déversement de déchets dans l'océan ne définissent pas la fertilisation par le fer comme un déchet. Les conventions sur les changements climatiques concernent plutôt les activités terrestres. Les conventions sur la biodiversité pourraient réguler la fertilisation mais elles ne s'étendent pas aux zones où ont lieu les expérimentations.
L’auteur recommande de modifier certaines conventions et le protocole de Kyoto. Les changements seraient minimaux mais permettraient la protection cruciale des ressources océaniques en interdisant la fertilisation par le fer à une échelle commerciale. Des expérimentations scientifiques resteraient possibles à plus petite échelle comme dans les 20 expériences réalisées jusqu’à maintenant.

Publiée il y a plus de 8 ans par C. Godineau.
Dernière modification il y a plus de 8 ans.
Review : Iron Fertilization: A Scientific Review with International Policy Recommendations