Cartographier le potentiel mondial pour l’aquaculture marine
Avec la forte augmentation de la population, il existe une pression intense sur la production de protéines animales. Face à la stagnation des captures de pêches et des forts impacts de l’agriculture sur sol, la dynamique se met en place pour se tourner vers l’aquaculture marine. Les océans représentent une immense opportunité pour la production alimentaire, mais le milieu océanique est largement inexploité. La majorité de l'aquaculture existante se pratique sur terre, en eau douce et dans les eaux marines proches du rivage. Cependant, des problèmes tels que la forte utilisation des ressources, la pollution et la destruction des habitats ont créé une réputation généralement négative pour l'aquaculture dans plusieurs pays et pose des problèmes pour la poursuite de son expansion. L'aquaculture en haute mer semble présenter plusieurs avantages par rapport à l'aquaculture plus proche des méthodes de culture traditionnelles, notamment moins de conflits spatiaux.
Tout d'abord, la productivité relative a été analysée pour chaque zone de 0,042 degré de l'océan mondial pour l'aquaculture des poissons et des bivalves. Nous avons limité le potentiel de production de chacune des 180 espèces marines d'aquaculture (120 poissons et 60 bivalves) à des zones situées dans leurs seuils thermiques supérieurs et inférieurs respectifs. Nous avons ensuite calculé l'indice moyen (multi-espèces) de performance de croissance (ICP) pour chaque parcelle pour toutes les espèces de poissons et de bivalves appropriées.
Deuxièmement, nous avons supprimé les zones inadaptées présentant certaines caractéristiques environnementales ou des contraintes liées à l'utilisation humaine.
Pour la troisième et dernière étape, nous avons estimé la production potentielle idéalisée par unité de surface en convertissant l'ICP moyen en production de biomasse, en supposant qu'une faible densité d'élevage est utilisée et que la conception de l'exploitation est uniforme dans l'espace.
Nous avons constaté que plus de 11 400 000 km² sont potentiellement adaptés aux poissons et plus de 1 500 000 km² pourraient être développés pour les bivalves. Le potentiel de production par unité d’aire de l’aquaculture marin permet de produire une grande quantité de produits de la mer dans un espace limité d’océan. Si toutes les zones désignées comme appropriées dans cette analyse étaient développées, environ 15 milliards de tonnes de poissons pourraient être cultivées chaque année, soit plus de 100 fois la consommation mondiale actuelle. De plus, il y a une opportunité pour un développement bien géré pour accroître la résilience aux futurs chocs environnementaux, sociaux et économiques.
Bien que cette analyse montre le vaste potentiel de l’aquaculture, il existe des facteurs environnementaux, politiques et socio-économiques à prendre en compte dans l’utilisation de ces espaces. En effet, il existe des écarts entre les intérêts scientifique, politique, social et économique.
Cet article est globalement rigoureux car il prend en compte non pas que l’aspect géographique du potentiel de l’aquaculture mais fait aussi l’état des lieux d’autres facteurs limitant à la mise en place d’aquaculture marine dans certaines régions du monde. De plus, il se base sur d’importantes bases de données (30 ans de données sur le maximum et minimum de température de la mer par exemple) et l'utilisation des moyennes de l'ICP pour toutes les espèces permet une évaluation prudente, puisqu’une moyenne est considérée plutôt qu’un potentiel de croissance maximal.
L’article permet de comprendre le potentiel de l’aquaculture, spatialement parlant, mais également les enjeux dont elle dépend. Il montre qu’il est possible de mettre en place plus d’aquaculture marine pour compenser la stagnation des pêches et que cela peut notamment être fait de manière durable. Cependant, il souligne également d’autres facteurs qui sont limitants à l’implémentation d’aquaculture marine dans certains espaces, comme les facteurs économiques, sociaux et politiques.