Introduction
"La géographie, ça compte !" était le slogan lancé en 1985 par Doreen Massey et John Allen, faisant le constat de l'arrivée des réflexions issues des sciences sociales dans le monde de la géographie humaine. Les réflexions sur la production sociale et politique de l'espace et sur le droit à la Ville, rapidement suivies de travaux issus des courants du post-colonialisme et des études féministes.
En retour, les auteurs ne mâchaient pas leurs mots pour fustiger des sciences sociales encore trop promptes à ne considérer l'espace que comme un "conteneur". Cette critique a été répétée à plusieurs reprises, par Byron Miller et Deborah Martin, comme par Choukri Hmed, qui dénoncent une vision des phénomènes sociaux comme étant "sur une tête d'épingle", ou par Thomas Gieryn, qui déplore le fait que "Les sociologues ont donné l'impression de ne pas s'intéresser aux lieux".
Tournant spatial
Cette critique a donné lieu à un contre-coup qualifié de "tournant spatial" ou "tournant géographique" : la dimension géographique des mouvements sociaux, du politique, des inégalités, du genre, des relations raciales, entre autres exemples, a été considérablement revalorisée dans l'analyse.
Dans le même temps, les aspects géographiques de plusieurs conceptions en sciences sociales (particulièrement Pierre Bourdieu) ont été explorés. En France, le "tournant pragmatique" peut être vu comme portant un a priori géographique persistant mais non-dit, tant dans son intérêt pour les situations et contextes d'interaction, que dans ses objets d'enquête.
Problèmes
Ce tournant géographique, qui continue à être poussé, présente-t-il un risque ? Dans un colloque intitulé "Conflits de lieux, lieux de conflits" en 2015, l'une des critiques portée à la géographie concernait son ignorance des structurations larges et des dispositions des agents sociaux. Dans la même voie, Joseph Confavreux s'inquiétait la même année d'une cartographie qui nierait le social dans une certaine mesure. A l'inverse, l'épistémologie des savoirs situés et certains courants anthropologiques insistent sur la nécessité de localiser toute approche.
Questions
Le contexte spatial doit-il, peut-il, tout expliquer, et tout phénomène social ne peut-il être compris que comme phénomène spatial et local ? Quelles implications, quels risques, tant théoriques, empiriques, et politiques, d'une sociologie qui serait entièrement spatialisée ?