Effets de la compétition et du climat sur une communauté de pollinisateurs de culture
Les résultats de Garibaldi et al., 2013 suggéraient que la pollinisation par les abeilles domestiques complétait celle faite par les pollinisateurs sauvages plus qu'elle ne s'y substituait. Une compétition semble possible entre abeilles domestiques et bourdons, mais dépendante du contexte, du climat (Herbertsson et al. 2016) et les abeilles ne sont pas toujours l'espèce dominante dans la compétition (Xie et al. 2016).
Les abeilles mellifères trouvent la limite Nord de leur aire de répartition au Sud de la Norvège (Pritchard 2006), tandis que les bourdons sont communs dans les écosystèmes alpins et arctiques.
Ici les auteurs ont cherché à savoir :
Deux fermes distantes de 20 km et de climat similaire ont été étudiées en 2014 et 2015 : Aarsland (24 000 km² de champs) et Moskvil (15 000 km²) avec respectivement 8 et 17 ruches, distantes d'environ 100m des champs.
En cultures de framboisiers
Durant le pic de floraison (juin), une branche définie a été suivie sur 20 plantes : dans 5 tunnels semi-recouverts de bâches transparentes (3 plantes/tunnel), et 5 en extérieur. Cela s'est fait durant des périodes d'observation de 10 minutes sur 17 jours non-consécutifs.
Sur plantes sauvages
Des fréquences de visites de fleurs ont été estimées sur 5 transects proches (100m) des champs, chacun de 10m de long et 2 de large, parcourus durant 10 minutes. Les plantes visitées sont identifiées et le nombre de fleurs ouvertes compté.
Des mesures de température, de vitesse de vent et d'humidité de l'air ont été collectées. Des modèles linéaires mixtes généralisés ont été effectués et évalués par le Critère d'Information Bayésien).
Plus de 97 % des visites de fleurs de framboisiers en culture étaient d'abeilles mellifères, qui selon les auteurs auraient exclu les bourdons du "hotspot" de ressources que constituent ces champs.
Cependant, les 7 espèces de bourdons représentaient 54 % des visites dans les environs des cultures (44% pour les abeilles mellifères), 31 % sur les framboisiers en extérieur et 93 % sur les fleurs sauvages (non-framboisiers).
Le modèle le plus explicatif pour les visites de bourdons montre que celles-ci étaient plus fréquentes sur les transects de plantes sauvages que dans les cultures, et dépendaient beaucoup de l'espèce de plante. Aucune variable impliquant la présence des abeilles n'est significative.
Les visites d'abeilles domestiques sont davantage expliquées par la température et jour de la saison (plus de 46 % de la variation au total, contre 2 % pour les visites de bourdons), le type de milieu (framboisiers en extérieur > champs sous tunnels > plantes sauvages) et l'espèce de plante.
Bien que les auteurs concluent à une compétition par exploitation, il n'est pas certain que le protocole permette d'affirmer une supériorité de compétition des abeilles domestiques sur les bourdons sauvages. La proportion de visites par les bourdons aux alentours des champs reste élevée malgré la présence des ruches, bien qu'il n'y ait pas de renseignements précis sur des gradients de distance aux ruches elles-mêmes.
Il ne paraît pas aisé de distinguer si c'est vraiment la présence des abeilles qui fait que les bourdons sont si peu nombreux sur les champs de framboisiers sous tunnels :
Cet article montre qu'en Norvège, les abeilles domestiques sont de très bonnes pollinisatrices de cultures telles que des framboisiers, mais sont très sensibles aux variations de température. Assurer une pollinisation par cette seule espèce paraît donc fragile, en particulier dans un contexte de changements climatiques.
A contrario, les bourdons sauvages pollinisent peu les cultures sous tunnels mais représentent une part importante des visites de fleurs en extérieur, de framboisiers comme d'espèces sauvages. De plus, ils sont actifs même par basses températures. Cet article souligne donc le rôle conséquent qu'ils jouent dans la pollinisation de plantes sauvages et que l'action des abeilles mellifères est limitée.
Les auteurs suggèrent une exclusion compétitive des bourdons par les abeilles domestiques du "hotspot" de ressources que constitue les champs de framboisiers. Cependant, leur méthodologie reste à questionner.
La facilité d'accès aux tunnels par des insectes venant de l'extérieur ne paraît pas parfaitement claire : est-ce une ouverture unique d'un côté ? Est-ce semi-ouvert sur une large portion du champ ? Cela peut avoir une influence sur la possibilité pour les bourdons de venir dans ces champs.