Les voyageurs en mauvaise santé représentent un défi pour l'écotourisme durable des primates.
L'écotourisme représente une proportion importante de l'intégralité du tourisme international et contribue de manière significative au revenu national de divers pays. Celui-ci peut fonctionner en tant qu'outil puissant dans la conservation des espèces que ce soit en sensibilisant le public, en sensibilisant les membres d'une communauté à comprendre leur patrimoine naturel et limiter la dégradation de celui-ci, tout comme l'organisation de levées de fonds indispensables pour la conservation de l'habitat. Cependant, une utilisation intensive et non surveillée de ces habitats pour le tourisme peut produire des effets néfastes sur le bien-être des animaux que nous souhaitons conserver. L'impact que peuvent avoir les touristes, probablement le plus important qui soit, se fait à travers la transmission de maladies contagieuses. C'est notamment le cas chez les primates qui partagent un grand nombre d'infections courantes chez l'Homme.
L'expérience prend place au sein du centre de réadaptation des Orang-Outans de Sepilok (SORC), en Malaisie. La fonction de ce centre est la réhabilitation d'individus d'Orang-Outan (Pongo pygmaeus morio), ainsi que d'autres espèces, blessés, orphelins et/ou confisqués. Afin de faciliter l'éducation du public et générer des fonds, le public est autorisé à assister aux deux repas quotidiens des animaux élevés en liberté, précédemment réhabilités. Un questionnaire a été distribué aux touristes adultes. La collecte de données concerne l'âge, la profession, la région d'origine, les voyages récents effectués, les contacts récents avec des animaux et la présence ou l'absence récente ou en cours de symptômes liés à diverses infections. Sur 1503 touristes ayant participé aux repas des animaux lors des 9 jours d'observation en juin 2017, 633 sondages ont été retenus, représentant 42.1% de la totalité des visiteurs présents lors de l'enquête.
La moyenne d'âge de la population étudiée était de 38 ans. La majorité des participants avait moins de 50 ans (76,6%), et était des femmes (55.1%). L'Europe était la région d'origine majeure de la population d'étude (51,3%) suivie de l'Australie/Nouvelle-Zélande (22,5%) et de la Malaisie (11.6%). 15% de l'échantillon estimait présenter au moins un des symptômes parmi : toux, congestion, maux de gorges, fièvre, diarrhée et vomissement. 20.01% de ceux surveillés présentaient différents types de contact récent avec des animaux (bétail, animaux domestiques etc). Les participants ayant eu un contact récent avec des animaux étaient plus à même de développer des symptômes respiratoires courants comparé aux individus n'ayant eu aucun contact. Les participants ayant reporté leur profession ont par la suite été séparés en deux groupes : "médical" (vétérinaires, médecins, infirmiers, étudiants etc) et "non médical". Un lien significatif était présent entre les symptômes respiratoires et le groupe "médical".
Ce projet comporte plusieurs limites. Une enquête réalisée sur une période aussi courte (9 jours), ne peut reporter la prévalence réelle d'infection saisonnière. En outre, la durée, pendant laquelle chaque personne a présenté des symptômes, n'a pas été enregistrée, il est donc impossible de déterminer si ces personnes étaient encore contagieuses au moment de l'enquête. De plus, même si les visiteurs avaient connaissance du début de leur symptôme, ceci ne donnerait aucune estimation précise de l'infectiosité réelle. Aussi, l'analyse de diagnostic d'infection virale ou bactérienne reste absente dans l'étude de la population touristique. De futures études devront user de test biologiques (virémie, taux d'anticorps...) afin de mieux comprendre les risques de transmission d'infection anthropozoonotique.
Les données présentées ici concordent avec la supposition que, malgré la conscience de leur destination, dans le but de voir des animaux en voies d'extinction, un important nombre de voyageurs sont malades et potentiellement infectieux, créant un potentiel risque de transmission de pathogène a) aux primates non-humains qu'ils sont venus visiter, b) aux habitants de la zone environnante et c) aux personnel s'occupant des animaux. La transmission de pathogène à ces deux derniers groupes pourrait servir en outre de sources d'infection supplémentaire pour les animaux non-humains. L'écotourisme présente donc un potentiel risque sanitaire pour la faune que l'on souhaite protéger. Des études doivent donc être menées autour de cas réels de transmission anthropozootique du touriste à l'animal.
Même si les participants travaillant dans le médical étaient plus à même de développer des symptômes associés à une infection des voies respiratoires, une explication alternative serait que les personnes travaillant dans le médical reporteraient bien mieux leur symptôme que les autres. De même, les personnes ayant eu un contact avec des animaux étaient plus à même de développer ce type d'infection, mais là encore ça ne veut pas dire que ce soit ces contacts qui aient entraînés cette infection des voies respiratoires chez les touristes. Encore une fois, cet article ne sert qu'à mettre en lumière la présence d'un risque, autour de l'infection d'espèces animales protégées, par des touristes potentiellement infectieux. Malgré leur intérêt pour la protection de l'environnement, les touristes sont inconscients de leurs effets directs sur la santé des animaux.