Le concept de biodiversité existe depuis peu, mais il a principalement pris son essor avec la signature de la Convention sur la diversité biologique à Rio en 1992. La biodiversité concerne l’ensemble des êtres vivants, les interactions qu’ils ont entre eux et avec le milieu où ils vivent. La biodiversité est en train de décliner à travers le monde entier à cause de l'expansion humaine et de ces activités. Observer les guépards, randonner dans les forêts tropicales primaires ou plonger avec les requins devient difficile et représente un choix cornélien pour les amoureux de la nature. En plein développement depuis les années 1990, l’écotourisme est un tourisme centré sur la découverte de la nature, dans le respect de l'environnement et de la culture locale. Les aménagements réalisés pour l’écotourisme se veulent avec un faible impact sur l’environnement, en protégeant la biodiversité ou encore en restaurant les écosystèmes. Avec un tel engouement, on peut cependant se demander si la pénétration croissante de l’Homme dans les écosystèmes naturels ne peut pas avoir des conséquences dramatiques au détriment de son idée de base : renouer avec la relation Homme-nature créant ainsi une dissonance cognitive.
Des études ont pu montrer que des maladies humaines se transmettent à la faune sauvage telle que les primates, que le risque de prédation augmentait dans les régions écotouristiques et que la survie des espèces pouvait diminuer avec la fréquentation humaine. En parallèle des études prouvent réellement les bénéfices de ce mode de tourisme sur la régénération des forêts, la protection des espèces et l'augmentation des taux de survie.
Dans le cadre de notre controverse, nous nous sommes particulièrement intéressés à l'impact de l'écotourisme sur la biodiversité du niveau individuel au niveau des communautés. Nous n'avons pas étudié les effets socio-économiques de façon directe, mais seulement lorsque les liens étaient étroits avec la biodiversité (i.e. financements, mesures de gestion, surveillance et suivi).
À mesure que les voyages se multiplient, les activités liées à l'écotourisme se diversifient. On peut alors soulever diverses questions:
Introduction
Aujourd’hui, la biodiversité est globalement en péril à cause de l'expansion humaine et de ces activités[1]. L’écotourisme est un tourisme centré sur la découverte de la nature, dans le respect de l'environnement et de la culture locale[2]. L’écotourisme se présente comme la solution pouvant allier conservation et développement grâce à son intrication socio-économique. Avec un tel engouement, on peut se demander de quelle manière la pénétration croissante de l’homme va impacter les écosystèmes naturels. Dans le cadre de notre controverse, nous nous sommes posés la question: quels sont les impacts de l'écotourisme sur la biodiversité ? À mesure que les voyages se multiplient, les activités liées à l'écotourisme se diversifient. Alors on peut soulever diverses questions :
1. Interactions entre l'écotourisme et la biodiversité
Les interactions directes et indirectes (figure) qui peuvent exister entre l'écotourisme et la biodiversité peuvent représenter des menaces potentielles. D'une part, la découverte de la nature permise par l’écotourisme donne l'occasion au visiteur d’observer tout type de paysage et de rentrer en interaction avec la biodiversité. En visitant fréquemment ces lieux naturels, les écotouristes peuvent avoir un contact direct avec les espèces. De manière générale, la présence de l’Homme est perçue comme un prédateur par les autres espèces animales ou un facteur de stress[3]. La fréquence des visites a un lien direct avec des modifications physiologiques et comportementales telles que l'accoutumance, l'observation, le nourrissage ou le contact tactile[4][5][3]. De même, l'observation par le biais d’engin motorisé peut modifier le comportement de la faune[6][5][7]. Quant aux espèces végétales, des espèces protégées peuvent être collectées illégalement et piétinées par la circulation touristique qu’elle se fasse au cours de randonnées, de ballades à vélo ou à cheval[8] .
D'autre part, les interactions indirectes de l’écotourisme sont également nombreuses. On peut retrouver l’introduction d’espèces invasives avec la dissémination de graines ou de spores indirectement via les vêtements, les équipements et les véhicules[8]. Le changement d’utilisation des terres peut accompagner la mise en place d’un site écotouristique, augmentant les régimes de feu, uniformisant les paysages et modifiant l’hydrologie[8]. On note également un lien indirect avec la pollution émise par les infrastructures d’hébergements et de services mais également par celle émise par les voyages et les déplacements des touristes [8][1][7]. L’écotourisme participe ainsi au changement climatique qui va menacer les espèces jusque dans les aires protégées. Finalement, les menaces potentielles qui guettent la biodiversité au travers de l'écosystème doivent être surveillées et suivies dans le temps et l'espace.
2. Outils et mesure des impacts de l’écotourisme sur la biodiversité
Afin de mesurer les impacts de l'écotourisme sur la biodiversité, divers outils sont disponibles. A l'échelle de l'individu, les indicateurs empiriques permettent de refléter les perturbations physiologiques et comportementales des animaux face au stress induit par les touristes : le rythme respiratoire[9], la réponse hormonale à travers le taux de corticostérone chez les oiseaux[10][7] et le cortisol chez les poissons[5] , la distance de fuite[10] et le changement de déplacement des individus en présence de touristes[7][11]. A l'échelle des populations, des suivis à long terme et l'étude de la dynamique des populations sont possibles en mesurant empiriquement le nombre d’œufs, la survie, le succès reproducteur, le succès d'envol[10][7]. De plus l'analyse de viabilité des populations est un modèle mathématique permettant de quantifier l’ensemble des effets (traduits en paramètres biologiques) sur la dynamique de la population. Cette méthode standardise la quantification des impacts sur une population donnée, ce qui permet de les comparer entre espèces, mais cette méthode nécessite des données réelles afin de paramétrer le modèle. Enfin à l'échelle de la communauté, l'indice de Shannon et le comptage point par point permettent d'évaluer la diversité et l'abondance des espèces entre sites exposés ou non à l'écotourisme[5].
3. Impacts : conséquences diverses des menaces (niveau physiologique, comportemental, écologique, génétique)
Concernant les impacts potentiels de l’écotourisme (figure) on peut tout d’abord relever qu’il existe plus d'études sur les conséquences (74.9%) que sur des propositions (25.1%)[2]. On note ensuite premièrement des impacts positifs de l’écotourisme sur la biodiversité. En effet, l’écotourisme peut protéger les forêts lorsque celles-ci sont accompagnées de fortes stratégies de gestion forestière[1]. Il favorise également la régénération des écosystèmes dans des paysages anthropisés car ils offrent une opportunité économiques aux travailleurs locaux[12][13][1]. D’autre part, il limite les impacts négatifs des activités anthropiques, évite les perturbations et altérations anthropiques[13][1]. Ce mode de tourisme peut aussi favoriser la biodiversité en termes d’abondance d’espèces, d'espèces rares, de proies ou encore renouveler les stocks de poissons dans les aires marines protégées[7][11][14]. En effet, le nourrissage est paradoxalement bénéfiques aux espèces piscicoles et ne dérange pas leur reproduction durant la saison de fraie[5]. De plus, l’écotourisme dans des zones peu connues permet d’amélioration de la perception de la biodiversité, et donc indirectement la conservation des espèces les moins charismatiques[13][2]. Enfin, les programmes de reproduction et de translocations permettent d'augmenter la taille des populations locales menacées et d'augmenter la diversité génétique dans la population[14].
Cependant l'écotourisme apporte de nombreux impacts négatifs sur la biodiversité. Les paramètres physiologiques et comportementaux seraient les premiers indicateurs d'une perturbation anthropique négative chez les animaux: hausse de la réponse hormonale[7] et respiratoire[9] face au stress, déplacement et fuite face aux touristes[5]. De plus, le phénomène d'habituation peut mener à une agressivité accrue inter et intra-espèces dans les lieux de nourrissage[3], un comportement d'alerté diminué[4] et une augmentation de la témérité[15]. La végétation peut aussi être directement affectée car l’écotourisme peut engendrer une déforestation lorsqu’il est implanté dans une région qui veut développer une stratégie économique sans protéger fermement ses forêts[1]. Les végétaux, de manière générale, peuvent présenter une diminution de la taille, de la biomasse, du recouvrement végétal, la floraison et la reproduction[8].
Ces impacts affectent aussi la dynamique des populations car ils perturbent les capacités d'adaptation des animaux, ce qui affecte leur survie et leur succès reproducteur dans les zones exposées à l'écotourisme[7][10]. D'autre part, une mortalité plus élevée est due premièrement directement aux activités touristiques au travers des collisions avec les véhicules ou le braconnage, deuxièmement par un risque accrue de transmission de pathogènes[16][4], et troisièmement par une vulnérabilité accentué à la prédation.
Ces changements de dynamique de populations et d'interactions biotiques se répercutent également en cascade sur les chaînes trophiques. De ce fait, la stabilité des écosystèmes est déséquilibrée par la variation de distribution et d'abondance des espèces. Enfin, les conséquences transgénérationnelles dans le comportement animal et les autres traits d'histoire de vie sont importantes. L'âge à la première reproduction, le nombre d’œufs produits ou le sexe ratio de la progéniture pourraient être déterminés via les interactions avec les humains, mais aussi par la sélection naturelle agissant sur le différentiel de survie et de reproduction de certains types d'individus plus ou moins tolérants à la présence humaine[3]. L'ensemble des interactions écotourisme-biodiversité et les impacts en découlant sont résumés dans la figure ci-présente.
4. Mesures de gestions et d'amélioration
Il est nécessaire d’inclure des mesures de gestions dans les aires d'écotourisme afin de réduire les impacts anthropogéniques directs[6][8] et indirects[8]. Certains projets écotouristiques suivent des règles similaires visant à minimiser les potentielles perturbations sur les animaux, les impacts négatifs sur l’habitat et les risques de transmission de maladie[16]. Les suivis spatio-temporels à long terme sont de bons outils pour évaluer l’impact de l’écotourisme sur une aire protégée[7][1]. De plus, l’éducation et la sensibilisation des écotouristes et du personnel, selon l’écosystème et la biodiversité présente, sont des points clés dans la limitation de l’impact de cette activité[16]. La restriction de l’accès, du nombre d’écotouristes et d’opérateurs commerciaux proposant des excursions sont des outils non négligeables dans cette limitation et restent à être mieux développés[6]. Des études supplémentaires sont nécessaires pour déterminer les quotas de touristes qui impactent le moins possible le milieu et sa biodiversité[6]. La collaboration entre les professionnels, qu’ils soient biologistes de la conservation, praticiens de l’écotourisme ou experts en médecine du voyage, est également à améliorer. Même si l’adoption de ces mesures peut entraîner une baisse des revenus immédiats, elles présentent néanmoins l’avantage de garantir une exploitation à long terme des milieux visités[16].
Conclusion et perspectives
Il est attesté que l’écotourisme ne représente pas toujours le meilleur moyen de conserver et protéger la biodiversité[8]. Autrement, lorsqu'il est accompagné de stratégies de gestion, et propose des mesures de suivi et surveillance pour minimiser ses impacts[3], il se révèle être un important levier de conservation. Un manque de données apparaît donc sur les critères de mise en place des zones d’écotourisme et sur l'évaluation des impacts. L’écotourisme est en plein boom et continuera à se développer dans les années à venir, d’où la nécessité de mettre en place de gestion durables et recherche dans le domaine pour une approche basée sur des preuves.
Dans une question de perspectives, on peut penser redéfinir l’écotourisme en incluant l'impact des déplacements des touristes. En effet, un réel écotouriste devrait réaliser ses voyages en impactant le moins possible l’environnement, d’autant plus que la majorité provient de lieux plutôt éloignés des sites écotouristiques[2][4]. De plus, les espèces charismatiques et l’intérêt de certains écosystèmes par rapport à d’autres dans l’imagerie collective, peut entraîner des différences de niveaux de protection[2]. Le climat reste également une des plus grande menaces sur la biodiversité, même à l’intérieur d’aires protégées[8]. In fine, l'écotourisme est considéré comme un remède pour la biodiversité, quand sa mise en place suit celle d'une aire protégée ou d'autre mesure de conservation, et non pas en la précédant.
Publiée il y a presque 6 ans par M. Varoux et collaborateurs..