Titre de la review :

Une revue systématique globale des preuves empiriques des impacts de l'écotourisme sur les forêts de hotspots de biodiversité


Résumé de la review :

L’expansion économique a des conséquences néfastes sur la biodiversité, en particulier sur les forêts. Il est donc nécessaire d’identifier les stratégies pouvant permettre leur exploitation et protection de façon simultanée. Ainsi, l’écotourisme se présente comme la solution pouvant allier conservation et développement grâce à son intrication socio-économique. Les auteurs de la review se sont intéressés aux potentiels impacts de l’écotourisme sur les forêts. L’objectif de cette review est donc d’utiliser 17 publications évaluées par des pairs constituées uniquement d’approches empiriques qui ont été retenues afin d’identifier rapidement des stratégies de gestion des forêts. Ils ont ainsi pu discuter de la qualité et de la quantité des preuves empiriques, identifier les bienfaits ou non de l’écotourisme puis des priorités de recherche.

Tout d’abord, neuf études montrent que l’écotourisme conduit à la déforestation à cause de la demande en bois en Chine, Inde, Népal et Cambodge selon cinq mécanismes :

  • la construction d’habitations pour les touristes, l’utilisation de bois de chauffage
  • l’afflux d’immigrants avec les accommodations existantes
  • la demande en nourriture croissante
  • l’augmentation des revenus des populations locales qui conduisent à l’augmentation du nombre d’habitations ou leur agrandissement.

D’autre part, parmi les autres études quatre d’entre elles ont conclu que l’écotourisme permettait de protéger les forêts au Mexique, Belize, Népal et Pérou. Chacune des réserves de ces pays avait en commun quatre critères :

  • la mise en place d’engagements de conservation ou des paiements pour des services écosystémiques
  • une limite spatiale délimitant la zone gouvernée par des lois de conservation
  • des bénéfices économiques directs pour les familles locales
  • une orientation forte autour de la collectivité, la surveillance et l’application des mesures de protection de la zone conservée.

Enfin, les six dernières études établissent un lien entre l’écotourisme et la régénération de la forêt grâce à une transition forestière résultant de l’abandon des pratiques culturales pour les opportunités économiques qu’offrent l’écotourisme au Costa Rica, Chili, Népal et Mexique. Cependant la reforestation peut inopportunément s’accompagner par le déclin d’autres écosystèmes ou la déforestation des forêts primaires à l’instar des plus récentes ou de plantations. Les résultats de cette review suggèrent que l’écotourisme est une bonne stratégie pour restaurer les paysages anthropisés mais qu’il peut rendre vulnérables les forêts primaires restantes si elles ne sont pas protégées. En effet, la perte de forêt primaire ne se compense pas par de la reforestation.

Cette review suggères trois conclusions généralisables :

  • l’écotourisme protège les forêts lorsque celles-ci sont accompagnées de fortes stratégies de gestion forestière
  • l’écotourisme peut engendrer une déforestation lorsqu’il est implanté dans une région qui veut développer une stratégie économique sans protéger ardument les forêts
  • l’écotourisme peut aider la régénération des forêts dans un paysage anthropisé mais laisse vulnérables les forêts primaires non protégées

Finalement, les auteurs suggèrent quatre priorités de recherche :

  • analyser de façon contrefactuelle l’impact de l’écotourisme sur la déforestation
  • intégrer les changements forestiers dans les analyses socio-économiques
  • étudier les interactions entre l’écotourisme et les autres stratégies de conservation en y incluant également la part de l’éducation et de l’engagement
  • augmenter le nombre de mesures de l’intégrité forestière pour mieux évaluer la dégradation des forêts par l’écotourisme avec une prise en compte de la localisation et des échelles spatio-temporelles.

Finalement, cette review révèle que les efforts sont encore insuffisants pour évaluer efficacement l’utilisation de l’écotourisme comme stratégie de conservation des forêts.

Rigueur de la review :

Jodi Brandt et Ralf Buckley, directeur du Centre International de la Recherche sur l’écotourisme avec plus 200 articles évalués par les pairs, regroupent dans cette review des études classées et évaluées selon des critères qui permettent des résultats concluants sur les impacts de l’écotourisme. En effet, pour inclure la qualité et la quantité des données empiriques, les auteurs ont sélectionné des articles avec une évaluation commune sur le changement des forêts et les facteurs associés, ainsi qu’avec une conclusion explicite du lien entre ces changements et l’écotourisme. Puis uniquement 17 des 111 articles parus entre 2000 et 2018 ont été retenus. Les auteurs mettent également en avant les biais existants concernant les données d’observations des impacts liés à l’écotourisme sur l’environnement, mais également sur les modèles et variables utilisées. Enfin, il n'y a pas de conflit d’intérêt dans cette review.

Ce que cette review apporte au débat :

Cette review nous permet de voir que l’écotourisme n’est pas forcément la meilleure stratégie de conservation et de gestion de forêts, et qu’il peut engendrer de la déforestation dans le cas où son développement profiterait à l’économie de la région ou que les forêts ne sont pas assez protégées. Cependant, elle met aussi en avant les bienfaits de l’écotourisme quand celui-ci est accompagné de mesures de gestion, de conservation, de suivi et de bénéfices pour les populations locales. Elle permet donc de nuancer le débat et de faire apparaître des lacunes sur les critères de mise en place des zones d’écotourisme. De plus, cette review met en lumière le manque de données et le besoin urgent de recherches empiriques pour pouvoir être en mesure d’évaluer les impacts de l’écotourisme sur les forêts.

Remarques sur la review :

Cette review ne nous apporte que des données qualitatives sur l’impact de l’écotourisme sur la déforestation. Nous n’avons ainsi pas d’informations sur la biodiversité présente dans ces forêts. Néanmoins, les références utilisées nous permettent d’aller plus en profondeur dans les débats car certaines d’entre elles sont des méta-analyses.

Publiée il y a presque 6 ans par M. Varoux et N. Zeballos.
Dernière modification il y a presque 6 ans.