Titre de l'article :

Le prix du succès : une étude intégrative à long terme révèle les impacts de l'écotourisme sur une espèce porte-drapeau dans un site de l'UNESCO


Figure :

(Monti et al., 2018) Tendance historique de la population de balbuzards pêcheurs Corse de 1977 à 2014 : a) nombre de couples nicheurs et de poussins ayant pris leur envol en dehors de la zone de protection marine (AMP) (respectivement des triangles et des points blancs) et à l'intérieur de celle-ci (triangles et points noirs, respectivement) ; (b) le succès à l'éclosion (ligne pointillée), succès naissant (ligne pointillée) et le succès de reproduction (ligne continue) dans toute la Corse et dans le temps. Ces tendances sont obtenues directement à partir des données (c’est-à-dire sans modélisation).

Introduction à l'article :

Les aires protégées concernent 13% d’habitats terrestres **et représentent un **outil majeur pour la conservation **de la biodiversité à l’échelle globale. Ces aires sont souvent créées avec la motivation de **protéger des espèces porte-drapeau permettant le support du public et de financements. Cependant, à cause de financements limités des gouvernements, l’écotourisme devient désormais une source substantielle de financement pour les aires protégées. Cette stratégie devient donc un outil de conservation. Cependant l’écotourisme procure aussi des impacts négatifs sur la faune, et les écotouristes peuvent finalement devenir une menace pour la biodiversité locale et les animaux sauvages autant dans les aires protégées terrestres que marines. Cet article présente donc une étude intégrative des effets de l’écotourisme dans l’aire marine protégée (AMP) de la Scandola (site de l’UNESCO en Corse) sur la dynamique de population d’une espèce porte drapeau, le Balbuzard pêcheur (Pandion haliaetus).

Expériences de l'article :

Les auteurs ont voulu vérifier si l’AMP a eu un impact positif sur les Balbuzards grâce à sa protection et la meilleure disponibilité en poissons liée aux quotas de l’AMP. Ils ont** étudié la dynamique de population des Balbuzards grâce aux données disponibles depuis 37 ans dans et hors de l’AMP*, ce qui a permis de calculer de nombreux paramètres grâce à des modèles statistiques (GLMM) : nombre d’œufs, survie, succès d’envol etc. Les **ressources disponibles* en poissons ont également été mesuré autour de 24 nids de Balbuzard grâce à des enregistrements vidéo deux fois par an en 2012 et 2013. Entre 2012 et 2014, le comportement **des Balbuzards et des poussins dans l’AMP a également été suivi de façon assidue. Enfin, ils ont également mesuré le taux de corticostérone des poussins comme **indicateur de stress grâce à des prélèvements. La réponse hormonale des poussins peut ainsi être directement corrélée avec les perturbations environnementales, anthropiques ou non.

Résultats de l'article :

Les auteurs ont analysé au total 745 occurrences de données de nids au cours des 37 années de suivi. La population de Balbuzard a augmenté de 3 à 34 couples reproducteurs au maximum. Il n’y a pas eu de différence significative entre le nombre d’œufs par nids dans et hors de l’AMP. Il y a une diminution du nombre de poussins envolés et de couples reproducteurs au cours du temps en dehors de l’AMP par rapport à l'extérieur. D’autre part, le succès reproducteur annuel dans l’AMP était corrélé au nombre de passagers sur les bateaux de tourisme. De plus, le nombre de poisson ramenés dans un nid par heure baissait de 50% lorsque le nid était situé dans une zone de fort trafic maritime tandis que la fréquence de comportements d’alarme des parents augmentait en réponse à ces perturbations. Finalement, le taux de corticostérone des poussins était significativement supérieur à celui des poussins situés dans des zones non perturbés de l’AMP ainsi que par rapport aux autres nids de Corse.

Rigueur de l'article :

Les auteurs ont tous une carrière en ornithologie avec un nombre de citations montrant l'intérêt de leur recherche en écologie. Il n'y a pas de conflits d'intérêts dans cet article. De plus, cette étude a été réalisée en accord avec les gestionnaires de la réserve de la Scandola. Cependant, au niveau de la méthodologie, les modèles utilisés dans cet article ne supportaient pas les interactions entre « dedans et hors de l’AMP » et le temps, ce qui ne permet pas vraiment d’estimer les succès d’envol et l’impact de l’écotourisme. Ainsi, ces résultats peuvent potentiellement être dus au choix des modèles par les auteurs, ce qui ne rassure pas sur la rigueur de l’article.

Ce que cet article apporte au débat :

Cet article utilise des données à long terme, et de façon extensive ce qui nous permet d’avoir une vision globale et à long terme des impacts de l’écotourisme sur une espèce charismatique. Ainsi, l’AMP a un impact positif sur la population corse de Balbuzard mais l’augmentation récente du trafic maritime menace désormais leur reproduction en dépit des ressources plus importantes en poissons dans l’AMP. Le fort nombre d’écotouristes et de bateaux dans la réserve de la Scandola sera la principale menace qui pèse sur cette espèce porte-drapeau.
Nous avons donc ici un impact négatif de l’écotourisme qui appelle à plus d’attention quant au management des aires protégées en particulier marine. On peut donc penser que la mise en place des sites d'écotourisme doit être obligatoirement accompagnée au cours du temps par des mesures de gestion des touristes. Cela amène donc à la question : qui de l'écotourisme ou des écotouristes a réellement le plus d'impact sur la biodiversité ?

Publiée il y a presque 6 ans par M. Varoux et collaborateurs..
Dernière modification il y a plus de 5 ans.