La plongée écotouristique et la perturbations des bans de reproduction des poissons des récifs coralliens : vaut-il mieux être dérangé que mourir?
La protection des bans de reproduction des poissons des récifs coralliens et de leur habitats de reproduction sont nécessaires à la restauration des stocks marins et au maintien de la biodiversité dans la mer des Caraïbes. Les bans sont concentrés spatialement et temporellement ce qui permet de produire un grand nombre de progéniture, cette prédictibilité a amené à une forte pression de pêche d'où un épuisement des stocks. L'écotourisme bien géré apporte des bénéfices économiques tout en incitant la conservation des ressources écologiques. Le tourisme de plongée diminue les impacts négatifs de la pêche en attirant les pêcheurs dans le secteur. L'article étudie si les plongeurs touristiques désorganisent de manière négative les bans de reproduction en impactant leur potentiel de reproduction. Quel niveau d'interaction avec les plongeurs est requis pour causer une telle perturbation et surtout quelle est la probabilité qu'un ban renonce à se reproduire comme réponse à une perturbation?
L'aire étudiée se situe dans la réserve marine Gladden Spit, au Belize, un site important de reproduction pour 17 espèces de poissons. Des cameras ont été placées entre 1999 et 2008 sur une période de 88 jours autour du pic de reproduction des mérous (octobre à décembre) et des vivaneaux (mars à juin), obtenant plus de 100h de parade nuptiale et de reproduction filmés en fin de journée. Pour chaque vidéo, les auteurs ont identifié les espèces, décrit le comportement des plongeurs, le nombre de plongeurs et leur position par rapport au ban. Le comportement des poissons dérangés est noté (changement de couleur, contraction des nageoires, fuite, fuite lente, se cacher, maintenir la distance, se séparer, se détourner du plongeur) ainsi que le nombre de poissons dérangés et si le poisson dérangé retourne à son comportement initial. Ils ont enregistré tout événement de frai ou de parade nuptiale, et la durée et la date de chaque vidéo. 2 chercheurs ont corroborés indépendamment les vidéos.
Sur la compilation des vidéos, 746 événements d'interaction entre les bans et les plongeurs ont été extraits. Concernant le viveneau cubéra, Lutjanus cyanopterus, seulement 1,1% des poissons observés réagissent à la présence et aux actions des plongeurs, tous retournent à leur comportement initial avant la fin de la vidéo. Des 100 cas filmés, aucun plongeur n'a empêché la frénésie du frai de cette espèce, de même sur les 71 événements de reproduction pour le viveneau chien, Lutjanus jocu. Il y a 114 cas pour le mérou rayé , Epinephelus striatus, parmi lesquels on observe 1,9% de poissons dérangés mais aucune perturbation de la reproduction due à la proximité des plongeurs. Lorsque les plongeurs s'approchent par le côté, les viveneaux s'enfuient plus tôt (4.7 ± 3.3 m) que les mérous (1.1 ± 0.8 m). 175 cas ont impliqués des requin-baleines Rhincodon typus, il y a eu 4 perturbations pour lesquelles les individus semblent réagir à un marquage dorsal plutôt qu'au comportement du plongeur.
Cette étude est plutôt rigoureuse car elle repose sur des observations menées sur plusieurs années au même endroit.
Cet article suggère que l'écotourisme de plongée impacte peu les bans de frai des poissons des récifs coralliens pour que le potentiel de reproduction soit compromis, sous réserve de petits groupes bien guidés. Les poissons des bans de reproduction évitent les plongeurs de la même manière qu'ils évitent les grands mammifères marins. Cet article nous présente un cas où les réglementations déjà mises en place permettent un écotourisme affectant peu les bans de reproduction. Les zones de protection et l'écotourisme attirant les pêcheurs dans le secteur touristiques ont permis un renouvellement de stocks des poissons.
Cependant des études supplémentaires sont nécessaires pour évaluer l'impact du trafic maritime et de la présence de groupe de plongeurs plus nombreux et inexpérimentés.