Les insectes ressentent-ils la douleur? Une question à l'intersection du comportement animal, de la philosophie et de la robotique.
Cette revue propose une approche pluridisciplinaire de la question de la douleur chez les invertébrés reposant sur l'état des connaissances actuelles en neurobiologie, comportement animal, évolution, robotique et sur une analyse philosophique.
La douleur est, à l’inverse de la nociception, une expérience subjective. L’approche purement neurobiologique de la question de la douleur chez les invertébrés est particulièrement ardue puisque les structures nerveuses responsables de telles expériences sont encore inconnues. Les éléments de réponses à la question qui motive cette revue ne peuvent donc être apportés que par une approche d’analogie.
Neurobiologie :
Les principaux arguments s’opposant à l’idée de l’expérience de la douleur par les invertébrés reposent sur la simplicité de leur système nerveux composé de ganglia de moins d’un million de neurones. Plusieurs études ont ainsi avancé que la taille réduite et la simplicité relative des systèmes nerveux des invertébrés ne permettent pas le développement des mécanismes complexes associés aux expériences subjectives comme la douleur. Cet argument est toutefois remis en question par la présence de structures fonctionnellement équivalentes aux réseaux de récompenses trouvés chez les vertébrés, dans le ganglia supraoesophagial des invertébrés. L’existence de telles structures et la connaissance encore limitée sur le fonctionnement biologique de la douleur empêchent ainsi de considérer l’apparente simplicité des systèmes nerveux des invertébrés comme un indicateur de leur impossibilité à ressentir la douleur.
Comportement :
Les invertébrés présentent, à l’image des vertébrés, des réactions de défense contre les stimuli nocifs. Des comportements d’évitement de ces stimuli peuvent également être observés chez les insectes. Si l’évitement des stimuli nocifs est considéré comme un critère d’importance dans la détermination du ressenti de la douleur, la réponse aux stimuli nocifs varie fortement entre vertébrés et invertébrés. Ces derniers tendent à présenter des comportements considérés comme aberrants chez les organismes sentiens comme utiliser des membres endommagés, consommer leur propres organes internes ou continuer de se nourrir alors qu’ils sont eux même en train d’être consommés par un prédateur. L’auteur souligne que les différences dans la réponse aux stimuli nocifs entre vertébrés et invertébrés ne constitue pas une preuve de l’absence totale de douleur chez ces derniers.
Robotique :
La programmation d’Intelligence Artificielle (IA) permet la création d’entités mimant la réponse à la douleur et présentant des comportements d’évitements des stimuli nocifs sans perception réelle de douleur. L’auteur de cette revue argumente donc que le développement de mécanismes d’évitement de stimuli nocifs n’est pas forcément associé au ressenti de la douleur.
Evolution :
Dans cette partie, l’auteur questionne les pressions de sélection pouvant mener à la sélection de mécanismes induisant la douleur. Elle souligne le manque de preuves empiriques sur ce sujet, une fois de plus lié à la difficulté de définir les mécanismes impliqués dans le phénomène de douleur et propose l’hypothèse que l’évolution de ces derniers soit associé à une facilitation dans la prise de décision touchant préférentiellement les vertébrés.
Cette revue d'article soulève un point d'importance résidant dans le choix du point de référence sur lesquelles sont basées les analogies au coeur de l'étude de la douleur chez les invertébrés. Traiter d'une notion aussi subjective que la douleur nécessite, du fait des connaissances encore limitées sur les mécanismes neurologiques liés à la douleur, une approche par analogie qui est profondément questionnable. Les vertébérés constituent généralement le référentiel de choix de ces études, peut être à tort comme souligné ici. Si l’utilisation d’Intelligence Artificelle, proposée ici comme autre point de référence, est également sujette à caution, l’utilisation d’outils informatiques pour aborder les aspects comportementaux et évolutifs de la douleur chez les invertébrés permet une approche nouvelle et potentiellement libérée d’un important biais anthropocentrique.