Analyse de la référence Evidence for pain in decapod crustaceans

Titre de la review :

Preuves de la perception de douleur par les crustacés décapodes.


Résumé de la review :

Cette revue d’article se concentre sur plusieurs études ayant analysé la capacité de plusieurs espèces de décapodes crustacés à ressentir la douleur. Pour ce faire, Elwood se base sur une définition de la douleur donnée dans son article de 2011 lequel s’appuie déjà sur plusieurs études antérieures.
Elwood différencie tout d’abord les notions de nociception et de douleur, la nociception étant définie comme la détection d’un stimulus nocif à l’intégrité de l’organisme et la douleur comme une composante à la fois émotionnelle et une sensation déplaisante liée à la dégradation ou la possibilité de la dégradation de l’organisme. L’auteur s’attache ensuite à décrire et à donner les résultats de plusieurs expériences dont certaines conduites par son équipe et lui même et s'attachant toutes à démontrer la possibilité de douleur chez les crustacés décapodes. Chaque expérience détaillée s’appuie sur un point de la définition de douleur donnée au début de la revue 1) Apprentissage d’évitement d’un stimulus nociceptif, 2) Changements physiologiques suite à un stimulus nociceptif, 3) Réactions motrices protectives et 4) Compromis entre douleur et gain d’une ressource.

Pour répondre à la première partie de la définition, les études de Denti et al. (1988), Hoyle (1976), Barnes et Dunn (1981), Appel et Elwood (2009) sont citées. Toutes ces études démontrent l’existence d’un apprentissage d’évitement chez des crustacés décapodes à la suite d’un stimulus nociceptif. Elwood présente également en détail les résultats d’une de ses études pas encore publiée où des crabes de l’espèce Carcinus maenas choisissent préférentiellement un abri où ils ne reçoivent pas de stimulus nociceptif par rapport à un autre où ils sont soumis à une décharge électrique.

Les travaux de Short (1998) et Sneddon et al. (2003) signalent l’expression d’une molécule spécifique chez les décapodes après amputation traumatique d’une pince, molécule qui n’est pas retrouvée après l’autotomie de ces organes d’après Patterson et al. (2007). Ces résultats fournissent de bon arguments en faveur de 2).

Le point 3) de la définition de douleur est également retrouvé chez les décapodes d’après Barr et al. (2008) et Appel & Elwood (2009) qui constatent tous une augmentation du temps de toilettage d’une zone soumise à un stimulus nociceptif.

Enfin, le dernier point de la définition de la douleur, à savoir le compromis entre acquisition d’une ressource et douleur est abordé. La gradation de la douleur est ici essentielle, l’auteur s’appuyant sur l’idée qu’une douleur modérée sera supportée pour accéder à une ressource importante tandis qu’une ressource de moindre qualité sera abandonnée (Millsopp & Laming, 2008). Elwood décrit ensuite une série d’expériences publiées et à paraître dans lesquelles des bernard-l’hermite (Pagurus bernhardus) délaissent des coquilles d’espèces non préférés (Elwood et al 1979) suite à la réception d’une décharge électrique tandis que les coquilles d’espèces préférées sont généralement conservées même après administration d’un stimulus nociceptif.

Elwood conclut la revue en arguant que les preuves données ici ne permettent pas d’assurer l’existence de douleur chez les décapodes mais constituent tout de même des indices d’importance en faveur de cette hypothèse. L’auteur signale également que certaines des preuves fournies ont été considérée par la communauté scientifique et la société dans son ensemble comme suffisantes pour prouver la perception de la douleur par certains clades de vertébrés. Il achève cette revue en proposant que les preuve d’existence de douleur reposant sur une approche par analogie devraient être appliqués de façon égale à tous les taxons, vertébrés ou invertébrés.

Rigueur de la review :

Certains points de cette revue peuvent être sujets à critique. Il est indéniable que l’auteur n’est pas impartial dans son propos comme en témoigne son introduction, toutefois ce dernier garde une rigueur scientifique dans ses propos et mesure ses propos. Néanmoins, l’utilisation de certains articles à paraître de l’auteur est questionnable, surtout dans la mesure où les protocoles sont décrits en longueur, mais les effectifs utilisés et les seuils de significativité des tests réalisés ne sont pas fournis. Si les articles cités sont aujourd’hui publiés (Magee & Elwood, 2013) il est important de préciser que leurs résultats n’ont pu être réitérés plus tard (Magee & Elwood, 2016), bien que les conclusions de l'étude de 2016 aillent dans le même sens que celle de 2013.

Ce que cette review apporte au débat :

Cette revue présente plusieurs preuves d’intérêt pour la question de la douleur chez les décapodes. Les arguments apportés sont difficilement contestables lorsque l’on se réfère à la définition de douleur telle qu’acceptée par la communauté scientifique. De plus, Elwood soulève le point intéressant de l’application égale des approches par analogie entre taxons. Des résultats similaires obtenus chez des vertébrés (vertébrés téléostéens) et invertébrés (décapodes) n’ont pas été acceptés de la même manière par la communauté scientifique comme preuve valable de l’existence de douleur chez ces taxons. Dans la mesure où les approches par analogies restent, malgré leurs limites, le principal élément permettant la détection de douleur chez un taxon, elles devraient être appliquées de façon égale à toutes les espèces du vivant.

Publiée il y a plus de 4 ans par J.L. Claret.
Dernière modification il y a plus de 4 ans.