Titre de l'article :

Absence de preuve d'un effet analgésique de la morphine après administration d'un choc électrique chez le crabe Carcinus meanas


Figure :

Fig. 1: Nombre moyen d'entrées (+/- E.T.) dans l'abri sombre sur deux périodes de 10 essais (transformé log(x+1)).
Fig. 2 : Effet moyen du choc électrique sur la latence (+/- E.T.) d'entrée dans l'abri sur deux périodes de 10 essais (transformé log(x+1)).

Introduction à l'article :

Bateman (1991) a proposé un critère de détermination de la présence de douleur chez les animaux reposant sur l'absence ou la diminution de réponse à un stimulus nociceptif après administration d'un analgésique. L'objectif de cette étude était de déterminer si une injection de morphine impacterait la réponse d'un crabe Carcinus maenas à un choc électrique de force moyenne.

Expériences de l'article :

40 crabes Carcinus maenas ont été récupérés sur les côtes de Bar Hall Bay, Strangford Lough entre Juin et Août 2008. Ils ont été maintenus dans des bac imitant leur milieu naturel pendant une période indéterminée avant d'être soumis au protocole suivant:
Chaque animal a été placé pendant 1 min dans le bac expérimental après que deux cables électriques dénudés aient été attachés à la jonction de leur céphalothorax et de leurs membres postérieurs. Les animaux ont ensuite été séparés en deux traitements de 20 individus (choisis aléatoirement). Une dose de 100µg/g de morphine sulphate ou d'eau salée leur a été injectée dans la membrane du céphalothorax à l'aide d'une aiguille à insuline de 0.3ml. L'animal a été replacé au centre du bac expérimental et 10 individus de chaque groupe on reçu un bref choc électrique (8 V, 180 Hz, 200 ms). Le comportement des crabes a été monitoré pendant une durée de 2 minutes. Chaque crabe a reçu une unique injection et a participé à 20 essais successifs.

Résultats de l'article :

Le temps passé par chaque crabe dans la zone éclairée et dans l'abri et le nombre d'entrée dans l'abri ont été analysés pour les 4 traitements de l'expérience. Ces données ont été transformées en moyennes et analysées. Les 20 essais ont été divisés en deux groupes de 10 essais et analysés séparément pour prendre en compte la dégradation rapide de la morphine dans l'hémolymphe des crabes. Aucun effet significatif du choc électrique sur la propension ou le temps mis par les crabes pour entrer dans l'abri n'a été détecté (Fig. 1et 2). Toutefois, le groupe ayant reçu une injection de morphine (individus choqués et non choqués) présente une tendance plus importante a regagner l'abri lors des 10 derniers essais que dans les 10 premiers (F1, 36 = 43.63, P < 0.0001), ce qui souligne un effet négatif de la morphine sur la propension à regagner l'abri. Les auteurs suggèrent un impact négatif de la morphine sur les capacités motrices des crabes mais une absence d'effet sur les capacités nociceptives.

Rigueur de l'article :

La taille limitée des échantillons utilisés par les auteurs de cette étude semble être l'obstacle majeur à la validité de leurs résultats. Si la rigueur scientifique du protocole ne peut être remise en question, le choix de n'appliquer ce dernier qu'à 40 indivieus (10 par traitement) nuit fortement à la puissance statistiques des tests sur lesquels repose la conclusion de cet article. Si le choix d'un effectif réduit a été fait, selon les auteurs de l'étude, pour des raisons étiques, il reste toutefois discutable.

Ce que cet article apporte au débat :

Cet article remet en question un point essentiel des approches visant à étudier la douleur chez les animaux. Certains points proposés par Bateman (1991) pour identifier la douleur chez un animal reposent sur des aspects discutables au vu des connaissances actuelles en physiologie et anatomie du système nerveux des invertébrés. Cette clef est en effet basée sur une approche par analogie avec les réponses humaines aux stimuli aversifs. Si elle reste applicable aux vertébrés phylogénétiquement proches de l'espèce humaine (du fait de leur similarité physiologique et anatomique), son applications aux organismes invertébrés semble questionnable. Les différences marquantes des systèmes nerveux des invertébrés, si souvent utilisés pour affirmer leur incapacité à ressentir la douleur (Rose, 2002), permettent la remise en question de certaines approches d'analogie, comme l'illustre ici la différence dans la réaction à l'administration d'un analgésique largement utilisé dans les études sur la douleur.

Publiée il y a plus de 4 ans par J.L. Claret.
Dernière modification il y a plus de 4 ans.