Identifications biologiques par des codes-barres d’ADN
Quantifier la biodiversité est une tâche indispensable mais particulièrement difficile. En effet, l'identification morphologique présente plusieurs limites : i) variabilité morphologique entre individus d'une même espèce, ii) espèces cryptiques, iii) clés d'identification le plus souvent conçues pour un stade de vie particulier, etc. Cela mène régulièrement à de mauvaises identifications. Il y a donc besoin d'une nouvelle méthode d'identification. Les systèmes d'identification génétique sont très prometteurs pour la taxonomie. L'analyse de courte séquence d'ADN de différents organismes permet de différencier les espèces (des individus d'une même espèce présentent moins de différences génétiques entre eux que des individus d'espèces différentes = le "barcoding gap"). Le gène mitochondrial codant pour la cytochrome c oxidase I (COI) pourrait être un bon code-barres pour l'identification et la taxonomie animale car : i) fort taux d'évolution, ii) présent chez la majorité des taxons, etc.
L'étude cherche à évaluer la capacité de la COI à être un code-barres efficace pour la taxonomie.
Les auteurs créent des "profils COI" (séquence ADN codant pour la COI la plus représentative possible de toutes les séquences étudiées du taxon) pour les 7 phylums d'animaux et les 4 ordres d'insectes les plus diversifiés (et 4 autres ordres choisis au hasard), et enfin, pour 200 espèces de Lépidoptères.
Pour chaque rang taxonomique (phylum, ordre, espèce), ils testent la capacité d'assignation taxonomique de la séquence codant la COI pour des individus inconnus qui n’existent pas dans la base de données (c'est-à-dire, la capacité à détecter la ressemblance entre la séquence de l'individu inconnu et la séquence type d'un des taxons disponibles dans la base de données).
Les séquences d'ADN sont obtenues à partir de la base de données GenBank ou directement par extraction et séquençage en laboratoire effectués par les auteurs.
Mise en place de la taxonomie :
La COI permet une inférence phylogénétique du phylum d'une qualité correcte. Pour les ordres d'insectes, l’inférence est de bonne qualité. Toutes les espèces de Lépidoptères présentent une séquence de COI différentes les unes des autres (il existe un « barcoding gap »).
Tests d'assignement taxonomique :
96% des espèces testées (55 espèces testées) sont assignées au phylum qui leur correspond, 100% sont rattachées au bon ordre (50 espèces testées) et 100% des individus testés (150 individus testés) sont assignés à la bonne espèce.
Seuil de divergence minimale entre espèces :
La divergence entre con-spécifiques est toujours faible (en moyenne de 0.25%) alors qu'entre espèces du même genre, elle est toujours plus élevée (en moyenne de 6.8%) et plus encore entre espèces d'une même famille. Il existe donc un « barcoding gap » assez important pour être détecté.
Le groupe de séquence utilisé pour créer le profil COI au niveau du phylum est trop petit et manque de diversité, ce qui induit les erreurs d'assignation taxonomique retrouvées dans les résultats.
Aussi, le potentiel de la COI est testées, au niveau de l'espèce, uniquement pour les Lépidoptères. On ne peut donc pas réellement conclure sur son efficacité pour les autres taxons animaux.
Les auteurs sont les premiers à proposer la séquence codant pour la COI comme outil efficace pour la taxonomie de tous les animaux. En effet elle présente plusieurs avantages : i) demande peu de moyen financier, ii) permet une classification objective, iii) résolution supérieure aux méthodes morphologiques, iv) taux d'évolution qui permet une discrimination à des rangs taxonomiques bas (espèce), v) faiblement sensible à la convergence moléculaire, etc.
Aussi, la divergence entre espèces est généralement supérieure à 3%. Ils estiment que cette valeur pourrait être utilisée comme seuil de discrimination (= « barcoding gap ») pour découvrir de nouvelles espèces. Néanmoins, ils précisent que cela reste à vérifier et que cette méthode pourrait être moins efficace dans des cas très complexes.
Ils proposent aussi la mise en place d'une base de données de COI pour permet un Système d'Identification Global (GBS) et avancent que cette technologie pourrait être une révolution en biologie.
Cet article est le premier article à proposer une méthode de barcoding et un code-barres universel à un groupe taxonomique donné (bien que des séquences génétiques aient déjà pu être utilisées par le passé pour la discrimination biologique dans certains groupes. Chez les champignons par exemple, qui sont difficilement reconnaissable morphologiquement). D'autres auteurs trouvent des résultats différents. Cet article représente, pour ainsi dire, le début de la controverse sur l'efficacité du barcoding pour la taxonomie et la discrimination biologique.