Absence d'effet significatif du climat dans les extinctions de la mégafaune d'Australie au Quaternaire tardif
Le Quaternaire tardif a vu s'éteindre 65% des genres de la mégafaune (vertébrés adultes >40 kg) et la coïncidence de nombreuses extinctions avec la colonisation par l'Homme est à l'origine d'une controverse sur la responsabilité de ce dernier.
Cet article s'intéresse aux extinctions ayant eu lieu en Australie et Nouvelle-Guinée, alors reliées (l'ensemble est appelé "Sahul"). Les causes proposées sont un changement climatique, un effet anthropique (chasse, modification du régime de feu) ou une synergie Hommes-climat. La date de l'arrivée de l'Homme dans cette région est incertaine car elle se situe aux limites de la datation par le 14C, entre 55 000 et 45 000 BP. Les dates d'extinctions sont également incertaines du fait de la qualité variable des fossiles et de l'effet Signor-Lipps.
L'objectif ici est d'évaluer la responsabilité du climat dans les extinctions et d'estimer la fenêtre de coexistence entre l'Homme et la mégafaune en se basant sur des données fiables.
Les auteurs ont attribué des notes allant de A* (haute qualité) à C (non fiable) à des fossiles et archives archéologiques de la banque "FosSahul" sur la base de la fiabilité de la méthode de datation et de l'association avec le taxon (plus forte pour la datation directe pour pour l'indirecte) . Seuls les A* et les A ont été sélectionnés et utilisés pour déterminer la date d'extinction, avec un intervalle de confiance, du genre puis de l'espèce. Du fait du faible nombre de squelettes humains répertoriés, la date de colonisation par l'Homme a été déterminée majoritairement à partir de traces indirectes d'activité. Les 14C sont calibrés.
Les proxy utilisés pour le climat des 120 000 dernières années sont la température/précipitations en Australie, la température en Antarctique et les variations d'El Niño. Un modèle de régression avec une relation linéaire climat-extinctions est comparé à un modèle sans relation. Une potentielle latence des effets est prise en compte.
Le pic d'extinction médian pour les 16 genres étudiés est estimé à 42 100 BP et l'arrivée des Hommes à 55 600 BP, ce qui signifie donc 13 500 ans de coexistence avant le pic. Selon les auteurs, ce temps suffirait pour que les Hommes aient eu un impact notoire sur la mégafaune. L'analyse du climat révèle que lors de la Marine Isotope Stage 3 (MIS3), de 59 000 à 24 000 BP, le climat était aride. Cependant, il l'était moins que sur d'autres périodes qui ont précédé (comme le MIS5) où la mégafaune existait encore. La vélocité climatique est de 150 m/an pour les précipitations et de 10 m/an pour les températures. Ces chiffres sont faibles donc les espèces ont pu facilement migrer vers des conditions plus favorables. De plus, le modèle avec relation linéaire climat-extinctions a un AIC inférieur à 1,2 peu importe le décalage temporel pris en compte donc le climat n'a pas eu d'effet significatif sur les extinctions, ou bien à une échelle trop faible pour être détectée par cette étude.
Les auteurs ne déclarent pas de conflits d'intérêt. La méthodologie semble rigoureuse, les écarts-types sont précisés, l'effet Signor-Lipps est corrigé pour les dates d'extinction et les données climatiques proviennent de trois sources différentes. Les auteurs ne concluent que sur l'absence d'effet du climat, ils se gardent bien d'affirmer quoi que ce soit concernant l'effet de l'Homme, ce qui est juste car la coexistence temporelle avec la mégafaune ne prouve rien.
Cet article fait le tri parmi les nombreux fossiles de qualité variable répertoriés et s'appuie donc sur des données fiables. De plus, il lève le biais lié à l'effet Signor-Lipps en le prenant en compte dans les estimations des dates d'extinctions. Les six proxy des variations climatiques mettent en évidence un climat aride mais non exceptionnel lors des extinctions des genres considérés. Le modèle statistique confirme que la relation climat-extinction n'est pas significative. Donc cet article établit que le climat n'est pas la cause principale des extinctions de la mégafaune du Sahul au Pléistocène. Les données et la méthode ne prouvent rien quant à l'hypothèse d'un effet anthropique ou d'une synergie Homme-climat.