Relation entre abondances de bourdons et d'abeilles dans un habitat indigène.
Les abeilles européennes ont été introduites à travers le monde à des fins de pollinisation et de production de miel, mais cette expansion peut être préjudiciable aux pollinisateurs indigènes, réduisant le panel de ressources disponibles. Des études ont montré des impacts sur des espèces d'abeilles et/ou de bourdons locaux dans diverses régions, mais d'autres ont aussi montré une absence d'impact, au niveau des disponibilités des ressources ou de l'effet direct. Certains soulignent que les augmentations d'abondance d'abeilles domestiques par rapport aux espèces locales sont souvent confondues avec des changements d'habitat anthropiques. Il y aurait même des adaptations d'espèces locales : le bourdon européen a une langue plus longue que le bourdon américain, pouvant se nourrir de davantage de plantes. L'étude porte sur les interactions entre abeilles domestiques et bourdons en Angleterre, pour voir si l'abondance en abeilles a un impact négatif sur celle en bourdons.
Le but est de voir s'il y a :
Deux études ont été menées : une « extensive » sur les 19 sites (en faisant une observation par site, pour voir les abondances relatives sur un grand nombre de sites) et une « intensive » sur 4 des 19 sites (en faisant 8 observations toutes les 3 semaines d'avril à septembre) dans des landes.
Un coefficient de Bray-Curtis a été calculé : il compare la (dis)similarité en termes d'espèces florales butinées entre espèces. Plus cet indice est grand, plus les ressources sont communes, et inversement.
Les abondances en bourdons étaient inégales dans les 19 sites. L'abondance en bourdons est liée négativement à celle en abeilles. Le coefficient de Bray-Curtis est lié négativement à l'abondance en abeilles et positivement à celle en bourdons ; quand les abeilles étaient plus abondantes, les bourdons l'étaient moins et/ou se nourrissaient de différentes espèces de fleurs.
Dans l'étude « intensive », il y a un changement temporel du coefficient de Bray-Curtis pour les bourdons, avec donc des changements de ressource,s et de taille de colonie. Hormis pour les bourdons à longue langue (avec un lien négatif), il y a une faible corrélation entre ce coefficient et l'abondance en abeilles ; celle-ci n'est pas liée au patron de recherche alimentaire des bourdons, contredisant l'autre étude. En fait, il y a un décalage entre les pics d'abondance en abeilles (en août) et en bourdons (en juillet). L'abondance en bourdons n'est positivement corrélée ni à l'accroissement ni à l'abondance en abeilles.
La méthodologie semble correcte, avec une étude globale sur beaucoup de sites à un moment donné et une étude précise sur quelques sites en observant les variations dans le temps. Cependant, et les auteurs le soulignent, un biais est qu'ils ont choisi la saison où les fleurs sont les plus abondantes. Si l'abeille est en compétition lorsque les ressources sont limitées, il n'y a pas pu y avoir de compétition ici ; ils proposent de faire le même type d'étude sur un temps plus long (lorsque les fleurs sont peu abondantes, pour voir s'il y a une vraie compétition) et sur plusieurs années (pour voir les variations environnementales et car l'année précédente a un impact sur les populations de l'année d'étude, notamment pour les bourdons). Ce protocole semble donc rigoureux mais serait un autre exemple de la difficulté de démontrer une compétition entre abeilles et autres pollinisateurs.
L'abondance en abeilles est liée à celle en bourdons mais pas à leur richesse, et ce lien n'est pas présent dans l'étude intensive. Une hypothèse explicative est liée au fait que seules les abeilles peuvent partager la localisation des zones profitables, alors que les bourdons sont plus rattachés à leur nid (les mesures sur les fleurs seraient biaisées par une différence éthologique). Ainsi, les abeilles auraient juste pu supplanter des bourdons en déclin, ce qui se corrèle à l'étude intensive. Une autre hypothèse est une compétition avec les bourdons à longue langue, mais ils ne seraient jamais très abondants, et une réduction de la pression de sélection des abeilles pourrait être compensée par une compétition avec les bourdons à courte langue. Les abeilles seraient compétitrices pour des ressources limitées mais ce n'est pas le cas ici, la compétition est improbable.
Les auteurs citent l'étude intéressante de Goodell 2003 qui a mis en évidence qu'une espèce d'Osmie (abeille solitaire), Osmia pumila, est davantage parasitée par une guêpe cleptoparasite quand l'osmie est stressée à cause d'un manque de ressources. Les insectes cleptoparasites (comme les "abeilles-coucou") pénètrent dans les chambres où les abeilles solitaires stockent des ressources pour leurs oeufs. Ces parasites y pondent leur propre oeuf et leur larve éclot avant celle de l'abeille constructrice du nid ; elle la tue et peut ensuite se nourrir du pollen et du nectar stocké dans la cellule.
Si la compétition pour les ressources face aux abeilles domestiques revient à diminuer la quantité de fleurs disponibles pour des espèces telles que cette osmie, il est possible alors que la présence des abeilles domestiques augmente également le taux de parasitisme des nids d'abeilles sauvages.