Remettre l'altruisme dans l'altruisme : l'évolution de l'empathie
La théorie de l'évolution postule que les comportements altruistes ont évolué grâce aux bénéfices qu'ils procurent. On peut donc penser que la coopération et les comportements altruistes ont évolué pour aider les membres d'un même groupe. Ainsi l'importance est accordée aux avantages bénéfiques que procurent ces comportements, toutefois, dans la mesure où ces avantages risquent d'être assez différés, l'auteur s'interroge sur le rôle qu'ils jouent dans la motivation de tels comportements. Cela devient clair si on examine de plus près ce qui motive l'altruisme dirigé, c'est à dire le comportement altruiste visant les personnes dans le besoin, la douleur ou la détresse.
L'auteur de la revue met en avant, que certains comportements d'altruismes dirigés sont favorisés par des avantages inhérents, tels que la libération d'oxytocine. L'altruisme fondé sur l'empathie peut avoir des qualités intrinsèquement gratifiantes dans la mesure où il offre à l'acteur de ce comportement un enjeu émotionnel dans le bien-être du destinataire. Les récompenses extrinsèques, en revanche, sont moins susceptibles de jouer un rôle dans de tels comportements. L'altruisme a un coût initial et les conséquences positives ne se manifestent qu'après un intervalle de temps important, ce qui entraîne des conditions d'apprentissage peu favorable. En effet, les bénéfices du comportement altruiste sur le retour restent généralement au-delà de l'horizon cognitif de l'animal, un comportement altruiste ne peut être motivé par des gains imprévus. Or de tel comportement se retrouvent chez différentes espèces.
Ainsi, cette revue cherche à restaurer l'altruisme dans l'altruisme en explorant le rôle de l'empathie dans l'altruisme dirigé de l'homme et des autres animaux. L'évolution est-elle susceptible d'avoir favorisé l'empathie comme mécanisme immédiat pour générer l'altruisme dirigé ? Pour son analyse la revue adopte une définition la plus large possible de l'empathie, qui inclue la simple sensibilité émotionnelle aux autres. L'empathie permet de se connecter rapidement et automatiquement aux états émotionnels des autres, ce qui est essentiel pour la régulation des interactions sociales, la coordination des activités et la coopération visant des objectifs communs. La pression de sélection pour développer une connexion émotionnelle rapide a probablement commencé dans le contexte de soins parentaux. Des mécanismes équivalents fonctionnent chez tous les animaux chez lesquels la reproduction repose sur l'alimentation, le nettoyage et le réchauffement des jeunes. Les parents attentifs aux besoins de leurs progénitures ont donc probablement surpassé ceux qui restaient indifférents.
Par la suite, l'auteur décrit les mécanismes sous-jacents de l'empathie qui ont une origine neurale (qui se rapporte au système nerveux). La structure de l'empathie comprend : (a)des représentations partagées, (b)l'identification avec les autres basée sur la similitude physique, l'expérience partagée et la proximité sociale et (c)l'automaticité et la spontanéité.
Il existe de plus en plus de preuves que le cerveau est "câblé" pour établir un lien social et que le même mécanisme d'empathie qui tend à l'altruisme humain pourrait sous-tendre à l'altruisme dirigé chez d'autres animaux. Ainsi, l'empathie, au sens large, serait une capacité phylogénétiquement ancienne. Sans l'engagement émotionnel provoqué par l'empathie, on ignore ce qui pourrait motiver le comportement d'entraide extrêmement coûteux observé chez les animaux sociaux. L'altruisme induit par l'empathie tire sa force de l'enjeu émotionnel qu'il offre au "moi" dans le bien-être de l'autre. Et donc conformément à la théorie de la sélection de parentèle et de l'altruisme réciproque, l'empathie favoriserait les individus familiers et les coopérateurs entraînant des comportement altruistes.
L'auteur Frans de Waal, est un primatologue et éthologue dont les recherches portent sur le comportement social chez les primates.
Il met en évidence que les études sur les comportements altruistes ont souvent un manque de distinction entre fonction et motivation de ces comportements. Principalement dû à la vision contrastée des biologistes et des psychologues, les premiers se focalisant sur l'utilité d'un tel comportement, et les seconds sur la manière dont ils se produisent, pouvant rendre confus l'information.
Toutefois, cette revue fait bien état des connaissances et bien qu'elle met en avant l'importance de l'empathie dans les comportements altruistes, elle prend en compte également le fait que tous les comportements altruistes ne nécessitent pas forcément de l'empathie.
Cette review permet d'éclairer les liens entre altruisme et empathie, et donne un premier avis favorable pour considérer l'empathie comme un des moteurs de comportements d'entraide, tels que l'altruisme.
Ainsi on peut penser qu'un rattachement émotionnel favorise des comportements de compassion et d'entraide.
RAS
Evolutionary theory postulates that altruistic behavior evolved for the return-benefits it bears the performer. For return-benefits to play a motivational role, however, they need to be experienced by the organism. Motivational analyses should restrict themselves, therefore, to the altruistic impulse and its knowable consequences. Empathy is an ideal candidate mechanism to underlie so-called directed altruism, i.e., altruism in response to anothers's pain, need, or distress. Evidence is accumulating that this mechanism is phylogenetically ancient, probably as old as mammals and birds. Perception of the emotional state of another automatically activates shared representations causing a matching emotional state in the observer. With increasing cognition, state-matching evolved into more complex forms, including concern for the other and perspective-taking. Empathy-induced altruism derives its strength from the emotional stake it offers the self in the other's welfare. The dynamics of the empathy mechanism agree with predictions from kin selection and reciprocal altruism theory.