Les rats doivent-ils être exclusivement considérés comme consommateurs de graines ou peuvent-ils être considérés comme des semeurs de graines ?
Les rongeurs, spécialement les rats (Rattus), sont des animaux invasifs très répandus mondialement, et sont souvent problématiques sur les îles. Leur régime omnivore induit une forte pression sur la faune et la flore insulaires, pouvant conduire de nombreuses espèces à l'extinction, notamment par la consommation de graines. Les rongeurs peuvent cependant disperser des graines soit en les transportant mais sans réussir à les manger ou alors en les mangeant partiellement (sans dégâts sur l'embryon) ; soit en consommant des graines assez petites pour traverser le tube digestif (endozoochorie). Le biote hawaïen a beaucoup souffert de l'Homme qui a emporté avec lui des rongeurs sur l’archipel depuis presque 1000 ans. L'objectif de l'étude est notamment de déterminer si les rats sont les principaux consommateurs de graines et leur rôle dans l'écosystème.
Pour cette étude, les chercheurs ont étudié les fruits de 12 plantes (8 espèces natives et 4 non-natives), ainsi que 2 espèces de rats (sur les 3 connues à Hawaï) et la souris domestique. Des dispositifs ont été installés dans la forêt pour qualifier les consommateurs en fonction des fruits (ségrégation en fonction de la taille et photographies) et pour quantifier la masse de fruit consommé. Des études en laboratoire ont aussi été réalisées : des rats ont été capturés puis nourris avec les mêmes 12 espèces de plantes afin de quantifier la proportion consommée de la graine ou du fruit. Pour les petites graines, les chercheurs ont testé leur viabilité après un séjour dans le tube digestif des rats.
L'expérience sur le terrain montre des différences entre les espèces végétales. La consommation du fruit varie de 0 à 100% en fonction des espèces. Deux espèces non-natives n'ont pas été consommées, notamment celle aux plus gros fruits, alors qu'une l'a été entièrement. Pour les espèces natives, le bilan varie même si six ont un fruit consommé à plus de 50%. Les caméras ont surtout photographié le rat noir auquel est donc attribué la plupart des fruits consommés. Les résultats obtenus en laboratoire se recoupent globalement avec ceux obtenus sur le terrain. De plus, les espèces avec des petites graines consommées restent viables même après digestion. Il y a donc une différence d'attractivité des fruits et donc du potentiel de consommation/dispersion des graines.
Beaucoup de facteurs contribuent à l'attractivité des fruits et des graines qui sont parfois difficiles à analyser sur le terrain. Il est également délicat de déterminer le devenir des graines et d'identifier avec certitude le responsable de la consommation des fruits. La dispersion des plantes natives grâce aux rats est encore à identifiée et ne semble pas être justifiée, les rats pouvant favoriser la dispersion des espèces non-natives (prédation des graines) ou non (absence de prédation). De plus, l'étude en laboratoire donne une vision biaisée du devenir de la graine en condition réelle.
Cet article montre que les rats sont bien des consommateurs de graines, mais qu'ils peuvent aussi être des agents de dispersion des graines par enlèvement du fruit. Cependant, les rats introduits sont sélectifs dans leur consommation et ne conduisent pas toujours à une dispersion des graines. Ils affectent tout de même le devenir de ces graines que ce soit pour des plantes natives ou non-natives. Dans le cadre de la controverse, cet article a une vision neutre sur les rats, à la fois problème (consommation) et solution (dispersion), même s'il tend à décriminaliser ces organismes.
Invasive rodents are among the most ubiquitous and problematic species introduced to islands; more than 80% of the world’s island groups have been invaded. Introduced rats (black rat, Rattus rattus; Norway rat, R. norvegicus; Pacific rat, R. exulans) are well known as seed predators but are often overlooked as potential seed dispersers despite their common habit of transporting fruits and seeds prior to consumption. The relative likelihood of seed predation and dispersal by the black rat, which is the most common rat in Hawaiian forest, was tested with field and laboratory experiments. In the field, fruits of eight native and four non-native common woody plant species were arranged individually on the forest floor in four treatments that excluded vertebrates of different sizes. Eleven species had a portion (3–100%) of their fruits removed from vertebrate-accessible treatments, and automated cameras photographed only black rats removing fruit. In the laboratory, black rats were offered fruits of all 12 species to assess consumption and seed fate. Seeds of two species (non-native Clidemia hirta and native Kadua affinis) passed intact through the digestive tracts of rats. Most of the remaining larger-seeded species had their seeds chewed and destroyed, but for several of these, some partly damaged or undamaged seeds survived rat exposure. The combined field and laboratory findings indicate that many interactions between black rats and seeds of native and non-native plants may result in dispersal. Rats are likely to be affecting plant communities through both seed predation and dispersal.