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Introduction d'espèces non natives : problème ou solution ?



Cadre, focus et mise au point :

Les espèces non natives sont des taxons qui sont trouvés en dehors de leurs aires de répartition d'origine. Elles sont souvent considérées comme néfastes dans leurs nouveaux habitats. Cependant, certaines études montrent que l'introduction d'espèces non natives pourrait être bénéfique sous des conditions particulières. Il y a donc controverse.

Publiée il y a environ 9 ans par Université de Montpellier.
Dernière modification il y a presque 9 ans.

La synthèse :

L’homme, dans son histoire, a toujours eu une influence sur la répartition des espèces. Cet impact a commencé par la chasse et la cueillette, puis a été accentué par la domestication. Cette influence s’est renforcée à l’échelle mondiale avec les grandes explorations par l’introduction volontaire, ou involontaire, d’espèces. De plus, ce phénomène s’est accru avec l’explosion des échanges accompagnant la globalisation. Les introductions d’espèces non natives concernent l’ensemble des organismes vivants : depuis les microorganismes jusqu'aux grands vertébrés en passant par les plantes ; ainsi que l’ensemble des milieux allant des environnements aquatiques à terrestres. De nombreuses études ont donc été effectuées pour évaluer l’impact écologique, économique et social de ces introductions. Ces analyses montrent que cet impact peut être positif ou négatif, et donc qu’il est controversé.

Les espèces non natives introduites appartenant à l’ensemble du vivant, il est nécessaire de considérer l’impact en fonction de cette diversité. Ainsi, cette synthèse montre cet impact au niveau des mondes aquatique et terrestre, végétal et animal.

Concernant les espèces aquatiques, il y a de nombreux problèmes quant à l’introduction d’espèces non natives. Par exemple, certaines espèces sont vecteurs de maladies (parasites) pouvant affecter des espèces natives[1][2][3]. Dans l’étude portant sur l’ostréiculture[2], les espèces non natives sont des porteurs sains de parasites. Ces pathogènes ont la capacité de passer la barrière des espèces et d’affecter les espèces indigènes. Le même phénomène est mis en avant pour d’autres taxons (poissons d’eau douce)[1][3]. Un autre impact négatif observé est le changement dans la chaine trophique[4] en réponse à l’introduction d’espèces non natives en influençant notamment la prédation[1] et la compétition[4]. A contrario, certains auteurs[5] évaluent l’introduction d’espèces non natives comme positive. Malgré l’impact négatif reconnu sur les écosystèmes aquatiques, l’introduction peut apporter des bénéfices économiques. Afin de concilier économie et écologie, des outils sont mis place pour contrôler ces introductions à but lucratif tel que la création d’un arbre décisionnel régulant les introductions volontaires[6]. Cependant, les introductions involontaires ou malveillantes passent à travers les mailles du filet de ces outils.

Au niveau des espèces végétales, ainsi que les organismes en interaction avec elles, des effets néfastes sont également pointés du doigt. En effet, l’introduction d’arbres non natifs peut conduire à l’altération du sol et aux changements des communautés de coléoptères[7]. De même, une autre étude a mis en évidence que le changement de communautés végétales (de natif à non natif) a un effet néfaste sur les arthropodes[8]. Malgré l’impact négatif sur les insectes, l’introduction d’espèces exotiques peut favoriser la croissance des espèces indigènes. Par exemple, l’introduction de légumineuses permet l’augmentation de la biomasse des pins[9]. Également, des espèces non natives peuvent être utilisées pour restaurer des écosystèmes en valorisant la repousse des espèces natives[10]. L’utilisation d’espèces non natives pour la restauration des sols est aussi connue : l’inoculation de microorganismes exogènes permet le recyclage de sols pollués comme le montrent certaines recherches sur la mycoremédiation[11]. Ainsi, beaucoup d’études portent sur l’introduction de plantes non natives et des auteurs ont synthétisé ces observations[12]. Il en ressort que la plupart des espèces ont généralement un impact négatif sur la diversité et l’abondance des plantes résidentes, cependant, dans certains cas, cela favorise la production primaire.

En ce qui concerne l’introduction d’espèces non natives animales, l’influence est à nuancer. En effet, pour certains animaux, leur déplacement est parfois la dernière solution pour leur conservation. Par exemple, dans le cas de la perte de l’habitat, la survie des grands vertébrés en danger (rhinocéros) dépend de leur introduction dans un nouvel habitat[13]. D’autre part, plusieurs exemples montrent l’utilisation d’espèces exotiques dans le cadre de la valorisation des écosystèmes. Tout d’abord, des méga-herbivores (tortues) sont implantés afin de palier aux problèmes des plantes invasives[14]. Elles ont également un rôle important pour la pollinisation, ce qui est utilisé dans une autre étude pour maintenir les populations végétales endémiques en danger[15]. D’autres vertébrés remplissent également cette fonction de pollinisateurs dans différentes zones géographiques[16][17]. Ces espèces de rongeurs[16][18], d’oiseaux[17] et de tortues[14][15] perpétuent des relations mutualistes perdues nécessaires à la survie d’espèces endémiques. Ces interactions sont cependant imparfaites car elles ne remplissent pas complètement la fonction écologique souhaitée[18][17].

L’introduction des espèces non natives a des conséquences différentes selon le milieu et l’espèce concernés. Le milieu aquatique apparait comme étant le plus sensible de par l’absence de frontières et une facilité de dispersion[4]. En ce qui concerne les plantes, le bilan semble plus mitigé, avec des effets positifs et négatifs observés pour l’écosystème. En opposition du milieu aquatique, l’introduction d’espèces animales non natives semble avoir un impact positif sur les communautés locales. Dans ces milieux terrestres, l’introduction d’espèces non natives apparait souvent comme la solution de dernier recourt pour préserver un écosystème[13][14][15][17]. Cependant, afin de ne pas aboutir à des conséquences néfastes, des études préliminaires doivent être faites en prenant en compte de nombreux facteurs[6][13] tels que le temps, la faisabilité, les approches d’échantillonnage, l’interaction avec l’Homme ainsi que l’étude des fossiles [13][15]. Ceci est valable pour l’introduction d’espèces volontaire mais est plus difficilement applicable pour l’introduction non volontaire. Les études sont la plupart du temps sur les écosystèmes insulaires car le phénomène semble être plus amplifié et donc plus facilement observable. Mais ceci, ne reflète pas forcément une réalité concrète et extrapolable au continent[12]. Une amplification des études sur les écosystèmes continentaux et des contrôles d’introduction involontaires semble donc être nécessaire pour mieux appréhender toutes les composantes de cette controverse.

Publiée il y a environ 9 ans par Université de Montpellier.
Dernière modification il y a plus de 5 ans.

Cette synthèse se base sur 18 références.

Introduction d'espèces non natives : problème ou solution ?
Problème  ou  Solution ?



La restauration des mangroves chinoises, envahies par des espèces non-natives, par l'implantation d'espèces non-natives

Article - 2015 - Scientific Reports
Use of exotic plants to control Spartina alterniflora invasion and promote mangrove restoration
Ting Zhou, Shuchao Liu, Zhili Feng, Gang Liu, Qian Gan & Shaolin Peng

En eau douce les espèces non natives modifient la structure trophique selon leurs milieux

Article - 2015 - Ecography
Non-native species modify the isotopic structure of freshwater fish communities across the globe
A. Sagouis, J. Cucherousset, S. Villéger, F. Santoul, S. Boulêtreau

L’introduction de tortues géantes non natives : une solution aux problèmes des plantes invasives sur les îles

Article - 2015 - AoB Plants
Non-native megaherbivores: the case for novel function to manage plant invasions on islands
Dennis M. Hansen

Un oiseau japonnais et des arbres d’Hawaï : une relation mutualiste?

Article - 2014 - Conservation Biology
Imperfect Replacement of Native Species by Non-Native Species as Pollinators of Endemic Hawaiian Plants
CLARE E. ASLAN, ERIKA S. ZAVALETA, BERNIE TERSHY, DON CROLL, AND ROBERT H. ROBICHAUX

Déplacer les espèces : une méthode de conservation étudiée pour différentes espèces en danger en Asie et au Pacifique

Article - 2014 - Ecology and Evolution
Rewilding the tropics, and other conservation translocations strategies in the tropical Asia-Pacific region
Julien Louys, Richard T. Corlett, Gilbert J. Price, Stuart Hawkins & Philip J. Piper

Introduire des champignons pour nettoyer la terre

Article - 2014 - Chemical Speciation and Bioavailability
Mycoremediation (bioremediation with fungi) – growing mushrooms to clean the earth
Christopher J. Rhodes

Existence d’un rétro-contrôle positif entre l’introduction d’espèces marines non natives et l'ostréiculture en Europe.

Article - 2014 - Conservation Biology
Positive Feedback Loop between Introductions of Non-Native Marine Species and Cultivation of Oysters in Europe
FREDERIC MINEUR, AUGUSTE LE ROUX, CHRISTINE A. MAGGS, MARC VERLAQUE

Les Arthropodes : victimes de l’introduction de plantes non natives invasives

Review - 2013 - Conservation Biology
Effects of Invasive Plants on Arthropods
ANDREA R. LITT, ERIN E. CORD, TIMOTHY E. FULBRIGHT, AND GRETA L. SCHUSTER

Une légumineuse non native introduite favorise la croissance des pins

Article - 2012 - Biological Invasion
Dendroecological analysis reveals long-term, positive effects of an introduced understory plant on canopy tree growth
W. Brett Mattingly , John L. Orrock, Nicholas T. Reif

Méta-analyse des effets des plantes non-natives sur les espèces, les communautés et les écosystèmes.

Méta-analyse - 2011 - Ecology Letters
Ecological impacts of invasive alien plants: a meta-analysis of their effects on species, communities and ecosystems
Montserrat Vilà , José L. Espinar, Martin Hejda, Philip E. Hulme, Vojtech Jarosik, John L. Maron, Jan Pergl, Urs Schaffner, Yan Sun & Petr Pysek

Des tortues introduites en Mauritanie pour rétablir des relations vitales entre espèces

Article - 2011 - School of Biological Sciences
Resurrecting Extinct Interactions with Extant Substitutes
Christine J. Griffiths, Dennis M. Hansen, Carl G. Jones, Nicolas Zue, and Stephen Harris

Des espèces de pollinisateurs non-natives pour compenser la perte d'espèces endémiques

Article - 2011 - Proceedings of the Royal Society B
Invasive rats and recent colonist birds partially compensate for the loss of endemic New Zealand pollinators
David E. Pattemore & David S. Wilcove

Les rats doivent-ils être exclusivement considérés comme consommateurs de graines ou peuvent-ils être considérés comme des semeurs de graines ?

Article - 2011 - Biological Invasions
Are introduced rats (Rattus rattus) both seed predators and dispersers in Hawaii?
Aaron B. Shiels & Donald R. Drake

Utilisation d’un arbre décisionnel régulant les importations de micro-algues non indigènes.

Article - 2011 - Environmental Research
Assessing biosecurity risk associated with the importation of non-indigenous microalgae
Marnie L. Campbell

L’introduction d’animaux aquatiques non natifs qui conduit à l’émergence de nouvelles maladies en Europe.

Article - 2010 - Biological Invasions
Non-native aquatic animals introductions have driven disease emergence in Europe
Edmund J. Peeler, Birgit C. Oidtmann, Paul J. Midtlyng, Laurence Miossec, Rodolphe E. Gozlan

Réponse à l'article de Gozlan (2008) : l'introduction de poissons d'eau douce non-natifs a certainement un impact écologique néfaste

Review - 2009 - Fish and Fisheries
Introduction of non-native freshwater fish can certainly be bad
Jean Ricardo Simoes Vitule, Carolina Arruda Freire & Daniel Simberloff

L'introduction de poissons d'eau douce non-natifs ne doit pas être exclusivement considérée comme néfaste pour les écosystèmes et la biodiversité

Article - 2008 - Fish and Fisheries
Introduction of non-native freshwater fish: is it all bad?
Rodolphe Elie Gozlan

Observation d’une diminution de la richesse, l’abondance et l’altération de la composition des coléoptères dans les forêts de chênes des Carpates due à l’introduction de conifères

Article - 2007 - Forest Ecology and Management
Conifer introductions decrease richness and alter composition of litter-dwelling beetles (Coleoptera) in Carpathian oak forests
Michal Wiezik, Marek Svitok, Martin Dovčiak