Marqueurs cognitifs et physiologiques de la conscience chez les chimpanzés (Pan troglodytes).
La capacité à appréhender les émotions est un facteur des plus importants pour la régulation des interactions entre primates. Ces émotions voire empathie sont primordiales afin de coordonner les activités au sein des membres du groupe. L'expression des émotions et leur signification a un rôle clé dans le système social, souvent régulé par des tendances de conciliation (dominance/agression). Certains éléments ayant attrait à l'acquisition et la transmission des émotions restent encore flous au sein de la littérature. Or, ces aspects seraient utiles afin de cerner les fonctions sociales de la communication émotionnelle, et de l'évolution de l'empathie. Il existe divers chemins permettant l'apprentissage des états émotionnels : la résonance affective et la contagion émotionnelle. Ceci réfère aux mimiques et expressions faciales qui initient un état émotionnel similaire chez l'observateur (processus conscients). Ces mécanismes seraient en faveur de l'émergence de l'empathie chez les espèces.
Les données ont été collectées chez 3 chimpanzés adultes ( 2 mâles et 1 femelle) âgés de 12 ans. Soulignons qu'avant cette étude, ceux-ci n'avaient jamais été soumis à la présentation de vidéos. Ces individus n'ont pas été privé de nourriture et ont été testés volontairement. Les vidéos sont en noir et blanc et ne laissent apparaître que le visage de chimpanzés non-familiers. Leur capacité à reconnaître ces divers fasciés de grimaces est documenté dans l'article de Parr _et al._1998. Ces individus ont été confrontés à divers traitements (ou catégories de vidéos/stimuli). Une catégorie montrant des scènes émotionnellement négatives, comprenant des traitements vétérinaires (injections lors de traitements de routine/fléchettes hypodermiques). Et une dernière "contrôle" (montrant leur environnement, des transports de boxes). Cette première série de tests permet d'acquérir des mesures physiologiques. La seconde partie consiste en l'association de vidéos avec la correcte expression faciale des congénères.
Concernant les mesures physiologiques, la plupart des mesures de températures semblent décroître dans les conditions où les chimpanzés sont confrontés à des routines vétérinaires ou bien aux fléchettes hypodermiques. Un effet significatif de la condition émotionnelle sur la température semble avoir été détecté (P<0.02). Les réponses en température changent entre la situation contrôle et les "scènes émotionnelles", mais trop lentement lorsque les vidéos ont été présentées au cours d'une même session. Concernant l'expérimentation consistant à associer la bonne expression faciale selon la vidéo diffusé, les performances au cours de la première session sont significativement différentes (par rapport à l'attendu aléatoire). Ainsi, ces données seraient en faveur d'un partage émotionnel comme possible mécanisme d'acquisition d'informations émotionnelles chez leurs congénères.
Bien que ces chimpanzés semblent apporter des réponses conscientes aux états émotionnels de leurs congénères, il semble précoce de conclure que ceux-ci sont totalement conscients de la catégorisation des processus qu'ils réalisent. De plus, ces individus ont été soumis à divers tests consécutifs qui leur ont permis un apprentissage un peu "artificialisé" des émotions ressentis par d'autres, ce qu'ils n'auraient peut être pas pu avoir en milieu naturel (question de la reproductibilité des résultats ?).
Abstract :
The ability to understand emotion in others is
one of the most important factors involved in regulating
social interactions in primates. Such emotional awareness
functions to coordinate activity among group members,
enable the formation of long-lasting individual relationships,
and facilitate the pursuit of shared interests. Despite
these important evolutionary implications, comparative
studies of emotional processing in humans and great apes
are practically nonexistent, constituting a major gap in our
understanding of the extent to which emotional awareness
has played an important role in shaping human behavior
and societies. This paper presents the results of two experiments
that examine chimpanzees’ responses to emotional
stimuli. First, changes in peripheral skin temperature
were measured while subjects viewed three categories
of emotionally negative video scenes; conspecifics
being injected with needles (INJ), darts and needles alone
(DART), and conspecific directing agonism towards the
veterinarians (CHASE). Second, chimpanzees were required
to use facial expressions to categorize emotional
video scenes, i.e., favorite food and objects and veterinarian
procedures, according to their positive and negative
valence. With no prior training, subjects spontaneously
matched the emotional videos to conspecific facial expressions
according to their shared emotional meaning,
indicating that chimpanzee facial expressions are processed
emotionally, as are human expressions. Decreases
in peripheral skin temperature, indicative of negative
sympathetic arousal, were significantly lower when subjects
viewed the INJ and DART videos, compared to the
CHASE videos, indicating greater negative arousal when
viewing conspecifics being injected with needles, and
needles themselves, than when viewing conspecifics engaged
in general agonism.