Discrimination entre réflexes nociceptifs et réponses complexes associées à la perception de la douleur chez les crustacés.
Cette revue d'article a pour objectif de différencier les réflexes liés à la nociception des réponses engendrées par la perception de la douleur chez les crustacés. C'est le second article de synthèse sur ce sujet proposé par Elwood, le dernier datant de 2012. Si un grand nombre d'arguments déjà évoqués dans la précédente revue d'articles sont repris ici (et si certains points critiquables sont également retrouvés), cette revue oppose des éléments de réponse au questions soulevées par Rose et al. (2014) et Diggles (2018).
Elwood reprend ici plusieurs point clefs utilisés pour détecter la douleur chez une espèce animale et fournit des exemples pour chacun d'entre eux. Des preuves de compromis de motivation (abandon d'une ressource importante en cas de douleur), comportements de protection suite à un stimulus douloureux, de changement de comportement à long terme et comportement d'évitement de stimulus aversifs déjà évoquées dans la revue de 2012 sont exposés. L'auteur s'intéresse aussi aux résultats de Fossat et al.(2015) qui discutent de la possibilité de l'existence d'anxiété chez les écrevisses. Ce dernier article questionne un aspect relativement peu étudié de la question de la douleur chez les invertébrés en étudiant les réaction d'écrevisses soumise à l'injection de substances anxiogènes, ici de la sérotonine (5HT). Les résultats de cette étude démontrent un évitement accru des zones à risque (zones lumineuses) après l'injection de 5HT, renforçant l'idée de l'existence d'un phénomène d'anxiété chez ces crustacés et donc de l'existence d'expériences subjectives, semblables à la douleur, chez ces animaux.
Elwood conclut cette review en reprenant certains passages des articles de Rose et al. (2014) et Diggles (2018). S'il paraît évident que l'auteur de cette étude prend parti pour l'amélioration des conditions de traitement des crustacés, les conclusions de ses travaux sont toujours formulés avec la rigueur et l'impartialité attendue d'un scientifique, contrairement à ce qui est insinué par les auteurs précédemment évoqués.
Cette revue d'article, en plus d'apporter la synthèse de nouveaux arguments en faveur de l'existence de mécanismes plus complexes que la nociception chez les crustacés, permet de comprendre l'état actuel de la controverse sur la douleur chez les invertébrés. L'absence de réponse ferme sur l'existence d'une expérience subjective comme la douleur chez ces organismes, liée à la difficulté technologique de son étude et au manque général de connaissances sur ce sujet complexe, entraîne une certaine stagnation du débat. Les convictions personnelles des scientifiques, ainsi que les enjeux économiques importants liés à ce sujet, bien que n'ayant pas leur place dans la littérature scientifique, transpirent dans la conclusion de cette revue et rendent ce débat d'autant plus difficile à aborder de façon impartiale.
Animals have quick-acting nociceptive reflexes that protect them from tissue
damage. Some taxa have also evolved the capacity for pain. Pain appears to
be linked to long-term changes in motivation brought about by the aversive
nature of the experience. Pain presumably enhances long-term protection
through behaviour modification based, in part, on memory. However, crustaceans
have long been viewed as responding purely by reflex and thus not
experiencing pain. This paper considers behavioural and physiological criteria
that distinguish nociception from potential pain in this taxon. These
include trade-offs with other motivational systems and prolonged motivational
change. Complex, prolonged grooming or rubbing demonstrate the
perception of the specific site of stimulus application. Recent evidence of fitness-
enhancing, anxiety-like states is also consistent with the idea of pain.
Physiological changes in response to noxious stimuli mediate some of the
behavioural change. Rapid avoidance learning and prolonged memory indicate
central processing rather than mere reflexes. Thus, available data go
beyond the idea of just nociception. However, the impossibility of total
proof of pain described in ways appropriate for our own species means
that pain in crustaceans is still disputed. Pain in animals should be defined
in ways that do not depend on human pain experience.