Evolution des mécanismes et comportements liés à la douleur.
Cette revue d'article se concentre sur l'aspect évolutif des mécanismes et comportements liés à la douleur. Les auteurs commencent par donner les différentes définitions de douleur retrouvées dans la littérature scientifique et soulignent que la pluralité des définitions associés à cette notion constituent un obstacle majeur dans sa compréhension à l'échelle du vivant. Si la douleur peut être définie de façon précise dans l'espèce humaine, il est largement plus difficile d'étendre cette même définition à d'autres taxa, même quand ceux-ci sont phylogénétiquement proches. Les aspects sociaux et dans une seconde mesure, culturels, liés à la perception de la douleur sont en effet un frein majeur à l'extension d'une définition humaine à d'autres espèces. Le reste de la revue d'article s'articule autour de deux grandes thématiques : i) la conservation et les divergences de mécanismes liés à la nociception le long de l'arbre du vivant et ii) l'analyse de la douleur en tant que mécanisme adaptatif.
i) L'analyse des recherches sur les mécanismes liés à la nociception dans différents clades du vivant (vertébrés comme invertébrés) a prouvé qu'un certain nombre de gènes liés à cette fonction sont largement conservés. L'exemple le plus marquant souligné par les auteurs de cette revue est la famille de gènes permettant la traduction des protéines TRP -A, M et V- qui jouent un rôle majeur dans la propagation et la modulation de l'influ nociceptif. Le partage d'un même mécanisme moléculaire de détection des stimuli nociceptifs permet de questionner les arguments soulevés par d'autres auteurs qui s'appuient sur la différence d'organisation anatomique du système nerveux pour réfuter l'existence de la douleur chez les invertébrés. Toutefois, ce constat ne peut être considéré comme un argument valide de l'existence de la douleur chez les invertébrés que sous la forte hypothèse que la nociception est associée à la douleur chez ces derniers, comme c'est le cas chez les vertébrés.
ii) La perception de la douleur comme un mécanisme évolutif adaptatif est largement acceptée au sein de la communauté scientifique. Il est en effet facile de comprendre que l'association d'une dégradation de l'intégrité physique d'un organisme avec une sensation désagréable entrainnera immanquablement une réaction de défense et, à terme, un phénomène d'évitement de la situation ayant causé ce stimulus aversif (mécanisme qualifié d'apprentissage de l'évitement). Walter et Williams soulignent également l'importance évolutive du méchanisme lié aux douleurs chroniques, ces dernières pouvant permettre une réduction de l'utilisation d'un membre endommagé.
La forte augmentation de valeur sélective des organismes ressentant la douleur et le partage d'une part importante des mécanismes de nociception entraînant l'apparition de douleur sont des arguments de poids en faveur de l'existence de la douleur chez les invertébrés. Toutefois les auteurs de l'étude soulignent le manque de connaissance sur les mécanismes physiologiques propres à la douleur notamment du fait de la difficulté de leur différenciation de ceux liés à la nociception. Cet état de fait constitue un obstacle majeur dans l'étude de la douleur chez un organisme - obstacle qui paraît, étant données les problématiques éthiques et technologiques causées par l'étude de la douleur, difficilement franchissable. La prise en compte des portées évolutives liés au maintien de mécanismes permettant la perception de la douleur est néanmoins nécessaire à la résolution de la question de la douleur chez les invertébrés.
Le travail de Walter et Williams a pour mérite de soulever un point d'intérêt en soulignant l'avantage adaptatif lié à la douleur. L'étude génomique comparative d'invertébrés et de vertébrés atteste de la conservation de mécanismes liés à la nociception et donc de l'avantage évolutif conféré par ces dits mécanismes. Toutefois, ce constat ne fait qu'apporter une preuve spéculative de la douleur chez les invertébrés, cette dernière reposant sur l'hypothèse que nociception et douleur sont aussi intimement lié chez les invertébrés qu'elles le sont chez les vertébrés.
Les auteurs ne concluent pas sur la présence de douleur chez les invertébrés. Walter et Williams considèrent la douleur comme un mécanisme adaptatif permettant l'évitement de stimuli aversifs par un organisme. Ils soulignent donc la possibilité que la douleur soit également présente chez les invertébrés, puisqu'elle impacte positivement la valeur sélective des organisme. Il est néanmoins intéressant de constater qu'ils ne considèrent pas la nociception -avérée chez les invertébrés- comme un coût suffisant pour causer l'évitement de stimuli aversifs. Celà pourrait provenir de la difficulté résidant dans la séparation de nociception et douleur, ces deux notions étant indissociables chez l'être humain. Ce constat pourrait illustrer un forme d'anthropomorphisme qui est compréhensible d'un point de vue étique, mais discutable dans sa dimension scientifique.
Our understanding of the biology of pain is limited by our ignorance aboutits evolution. We know little about how states in other species showingvarious degrees of apparent similarity to human pain states are related tohuman pain, or how the mechanisms essential for pain-related statesevolved. Nevertheless, insights into the evolution of mechanisms and behav-iour important for pain are beginning to emerge from wide-ranginginvestigations of cellular mechanisms and behavioural responses linked tonociceptor activation, tissue injury, inflammation and the environmentalcontext of these responses in diverse species. In February 2019, an unprece-dented meeting on the evolution of pain hosted by the Royal Society broughttogether scientists from disparate fields who investigate nociception andpain-related behaviour in crustaceans, insects, leeches, gastropod and cepha-lopod molluscs, fish and mammals (primarily rodents and humans).Here, we identify evolutionary themes that connect these research efforts,including adaptive and maladaptive features of pain-related behaviouraland neuronal alterations—some of which are quite general, and some thatmay apply primarily to humans. We also highlight major questions, includ-ing how pain should be defined, that need to be answered as we seek tounderstand the evolution of pain.