Consommation de lait et risque de mortalité et de fractures chez la femme et l'homme : étude de cohorte
Le lait est un aliment dont la consommation est recommandée car il contient de nombreux nutriments et réduit le risque d'ostéoroporose. L'absorption de ces nutriments dépend de la capacité de nos enzymes à digérer le lait, et dépend de paramètres génétiques.
Chez l'animal, la consommation de D-galactose provoque des effets indésirables dont les mécanismes assimilés au vieillissement naturel, notamment un stress oxydatif. Le lait étant la principale source de D-galactose chez l'homme, la recommandation d'augmenter sa consommation peut sembler paradoxale.
Une forte consommation de lactose (et donc de D-galactose issu de sa digestion) doit augmenter le stress oxydatif, et donc le risque de mortalité. Les études de méta-analyses ne montrent aucune corrélation entre risque de mortalité et consommation de lait.
L'équipe a cherché à évaluer le risque de mortalité associé à la consommation de lait ainsi que la mesure de biomarqueurs du stress oxydatif en relation avec la consommation de lait.
L'étude a été réalisée avec deux cohortes, une cohorte de femmes et une cohorte d'hommes.
La cohorte de femmes (39-74 ans) a reçu des questionnaires sur leur régime alimentaire lors d'une campagne de mammographies en Suède en 1987-90, puis en 1997 pour les femmes encore joignables. Cette cohorte contenait 90 303 personnes, avec un taux de réponse de 74% puis de 70%.
La cohorte d'hommes (45-79 ans) a été constituée en 1997, pour l'étude. Elle contenait 100 303 personnes. Le taux de réponse au questionnaire est de 49% mais a été considéré représentatif.
Les causes de mortalité, la survenue de fractures (et leurs causes), ont pu être récupérées grâce aux registres de l'Etat. D'autres paramètres comme la consommation de tabac ont également pu être pris en compte.
Des taux de biomarqueurs associés au stress oxydatif ont pu être mesurées sur une partie des cohortes.
Enfin ils expliquent les analyses statistiques réalisées pour calculer le risque associé à la consommation de lait.
Cette étude conclut que la consommation de lait n'induit pas de réduction des fractures dans les cohortes. Au contraire, un taux de fracture important dans la cohorte de femmes, ainsi que des taux de mortalité élevé dans la cohorte d'hommes semblent montrer des effets indésirables reliés à la consommation de lait. Les auteurs notent également que la consommation de lait semble reliée à la présence de biomarqueurs du stress oxydatif. La comparaison avec d'autres études suggère que l'effet de la consommation de lait est induite par le D-galactose, essentiellement apporté par le lait dans l'alimentation. Cette hypothèse est renforcée par d'autres études qui ne montrent pas ces effets lors de la consommation de produits fermentés, qui ne contiennent pas ou peu de galactose. Néanmoins, les auteurs réclament d'autres études indépendantes qui pourraient confirmer ces résultats, et indiquent que leurs résultats doivent être pris avec précaution.
L'article semble très rigoureux. Outre la méthodologie bien explicitée, les auteurs apportent un regard critique sur leur étude, en listant ses points forts et faibles. La précision des données récupérées grâce au système de santé suédois renforce la pertinence des résultats rapportés. Les auteurs comparent également leur étude à d'autres. Néanmoins, ils considèrent que leur étude n'est pas généralisable, car elle ne prend pas en compte les polluants éventuellement présents dans le lait (bien qu'ils seraient dans les mêmes proportions dans les produits fermentés), que la digestion du lait dépend de facteurs génétiques et ethniques, que la composition du lait dépend de nombreux paramètre (géographique, dépendant des animaux, de leur alimentation...).
L'article vient confirmer les observations réalisées chez les animaux : La consommation de lactose ne semble pas associée à une diminution des fractures, mais plutôt à un risque de mortalité plus élevé. Ce risque semble associé uniquement à la consommation de lait et pas à la consommation de produits laitiers fermentés (qui contiennent peu de lactose/galactose).
On peut noter que les auteurs utilisent toutes les précautions d'usage avant d'établir des recommandations de consommation : un article n'est pas un consensus scientifique, et bien que les résultats soient clairs, il faut poursuivre les études avant de généraliser.
Objective To examine whether high milk consumption is associated with mortality and fractures in women and men.
Design Cohort studies.
Setting Three counties in central Sweden.
**Participants **Two large Swedish cohorts, one with 61 433 women (39-74 years at baseline 1987-90) and one with 45 339 men (45-79 years at baseline 1997), were administered food frequency questionnaires. The women responded to a second food frequency questionnaire in 1997.
Main outcome measure Multivariable survival models were applied to determine the association between milk consumption and time to mortality or fracture.
Results During a mean follow-up of 20.1 years, 15 541 women died and 17 252 had a fracture, of whom 4259 had a hip fracture. In the male cohort with a mean follow-up of 11.2 years, 10 112 men died and 5066 had a fracture, with 1166 hip fracture cases. In women the adjusted mortality hazard ratio for three or more glasses of milk a day compared with less than one glass a day was 1.93 (95% confidence interval 1.80 to 2.06). For every glass of milk, the adjusted hazard ratio of all cause mortality was 1.15 (1.13 to 1.17) in women and 1.03 (1.01 to 1.04) in men. For every glass of milk in women no reduction was observed in fracture risk with higher milk consumption for any fracture (1.02, 1.00 to 1.04) or for hip fracture (1.09, 1.05 to 1.13). The corresponding adjusted hazard ratios in men were 1.01 (0.99 to 1.03) and 1.03 (0.99 to 1.07). In subsamples of two additional cohorts, one in males and one in females, a positive association was seen between milk intake and both urine 8-iso-PGF2α (a biomarker of oxidative stress) and serum interleukin 6 (a main inflammatory biomarker).
Conclusions High milk intake was associated with higher mortality in one cohort of women and in another cohort of men, and with higher fracture incidence in women. Given the observational study designs with the inherent possibility of residual confounding and reverse causation phenomena, a cautious interpretation of the results is recommended.