Le Rôle de la Sélection Naturelle dans l'Emergence de la Vie
La question du processus d'émergence de la vie se situe à l'interface entre les sciences de l'évolution, la chimie et la physique. Depuis les années 1950, des chercheurs appartenant à chacun de ces domaines ont émis des hypothèses pouvant expliquer le passage de processus physiques et chimiques ordinaires à la création de LUCA. Les scénarios proposés divergent notamment suivant les importances accordées aux plausibilités des processus évolutifs, chimiques et physiques mis en oeuvre. Néanmoins, tous s'accordent sur la nécessité d'une continuité, d'une "mémoire" et de l'apparition d'un processus de sélection pour l'émergence de la vie.
Les théories dites "gene-first" proposent l'émergence de la vie directement à partir de biopolymères (ex: ARN, peptides) capables de réplication et soumis à sélection selon leurs propriétés catalytiques.
Les théories dites "metabolism-first" proposent une continuité de processus métaboliques (cycliques ou non) appartenant à un "tout" soumis à sélection.
Ce travail examine une sélection d'hypothèses ayant été émises sur les premiers processus prébiotiques ayant conduit à l'émergence de la vie sur Terre. A chaque scénario correspondent une infrastructure se répliquant, une infrastructure soumise à sélection et un processus évolutif. La pertinence de ces scénarios est évaluée suivant (i) la vraisemblance du scénario évolutif au regard des caractéristiques présumées de LUCA, (ii) l'avancée des démonstrations expérimentales de leurs faisabilités et (iii) la probabilité que les événements et processus chimiques soient survenus dans un environnement donné (ex: fosse hydrothermale). L'auteur regroupe les scénarios suivant la nature de la première infrastructure étant apparue et s'interroge sur le moment d'apparition et le rôle de la sélection dans les processus évolutifs mis en oeuvre.
Les scénarios "gene-first" sont les plus fidèles aux processus évolutifs actuels. De plus, la synthèse chimique de nucléotides et la production d'ARNs et de peptides capables de ligation et de réplication ont été réalisées expérimentalement. Cependant, l'apparition prébiotique de biopolymères, particulièrement d'ARNs, possédant ce type d'activité semble peu probable d'un point de vue théorique.
Les scénarios "metabolism-first" sont diversifiés et semblent plus éloignés des processus évolutifs actuels. De plus, la faisabilité des processus évolutifs proposés est très difficile à évaluer expérimentalement. Cependant, ils sont plus plausibles des points de vue chimique et physique.
Les deux types de scénarios permettent de prendre en compte l'évolution d'un tout (ex: vésicule, système catalytique ou métabolique) par multiplication et sélection.
L'auteur propose un scénario du métabolisme préparatoire qui aurait permis l’apparition de biopolymères et ainsi l'apparition de la sélection.
Les principaux scénarios proposés semblent avoir été considérés et leurs confrontations paraissent objectives. J'ai cependant un doute sur les perspectives proposées, qui ne me semblent pas suffisamment justifiées. Par ailleurs, il me semble que la frontière entre les scénarios du "gene-first" et du "metabolism-first" aurait dû être d'avantage explicitée et discutée pour les scénarios impliquant des groupes de peptides et d'ARNs auto-catalytiques.
Cette étude permet de resituer les principaux scénarios proposés pour l'émergence de la vie ainsi que la controverse en elle-même dans un contexte scientifique.
Cette analyse fournit également des critères importants à prendre en compte pour évaluer la plausibilité d'un scénario, tels que les degrés d'hérédité et de variabilité des infrastructures, la plausibilité évolutive et les plausibilités physique et chimique.
Par ailleurs, elle indique des éléments sur lesquels la recherche se focalise actuellement en vue de résoudre la controverse, comme la démonstration expérimentale de la faisabilité des processus et le rapprochement des théories "gene-first" et "metabolism-first".
Cette analyse me paraît relativement facile à comprendre et objective étant donnée la complexité du sujet. Elle peut paraître non-aboutie, mais il me semble que l'état des connaissances de la communauté scientifique dans ce domaine ne permet pas de poursuivre honnêtement l'analyse.
It is commonly accepted among origin-of-life scientists that the emergence of life was an evolutionary process involving at one stage or other the working of natural selection. Researchers disagree, however, on the nature of the chemical infrastructure that could have formed prebiotically, enabling the evolutionary process. The division of the origin-of-life research community into ‘geneticists’ and ‘metabolists’ usually revolves around the issue whether the first to arise prebiotically was a genetic polymer or a primitive metabolic system. In this paper I offer an alternative classification based on the attitude to the onset of natural selection. From this perspective I add to the conventional division between gene-first and metabolism-first groups a position I call “preparatory metabolism”. By this line of thought, an RNA or an RNA-like polymer could not have emerged prebiotically. Nevertheless, the onset of natural selection had to wait until such a polymer had arised. This paper examines the RNA-first, RNA-later, metabolism-first and preparatory-metabolism scenarios, assessing the weaknesses and strengths of each. I conclude that despite the recent theoretical advances in all these lines of research, and despite experimental breakthroughs, especially in overcoming several RNA-first hurdles, none of the examined paradigms has yet attained decisive experimental support. Demonstrating the evolvability of a potentially prebiotic infrastructure, whether genetic or metabolic, is a most serious challenge. So is the experimental demonstration of the emergence of such an infrastructure under prebiotic conditions. The current agenda before origin-of-life researchers of all stripes and colors is the search for the experimental means to tackle all these difficulties.