Cette controverse est un cas d'école d'une communication scientifique ratée, qui dérive en déformant totalement les conclusions d'une étude sérieuse.

Tout commence avec une présentation du Pr. Valentina Zharkova à la très respectée Société Nationale d'Astronomie Britannique en juillet 2015. Elle vient y présenter les résultats de ses travaux sur les cycles solaires à venir. Son étude[1] montre que le nombre de tâches solaires, zones du soleil où l'activité magnétique est très intense et la température relativement faible, devrait diminuer de 60 % d'ici environ 2030. Point important : jamais l'auteure n'associe cet état de fait à un changement climatique dans son étude.

La première maladresse dans la communication de ces résultats vient d'un communiqué de presse de la Société Nationale d'Astronomie le 9 juillet 2015, annonçant que "l'activité solaire diminuera de 60 % dans les années 2030", sans préciser que cette "activité solaire" correspond en fait au nombre de tâches solaires, pas à l’énergie solaire qui atteint la terre. Ce communiqué de presse mentionne aussi que ce phénomène ressemble au "minimum de Maunder" (ou "minimum prolongé des tâches solaires"), qui s'est produit entre 1645 et 1715, avec un lien vers l'article wikipédia sur le sujet, en ajoutant que ce phénomène coïncidait à l'époque avec le "petit âge glaciaire" médiéval.

Il n'en fallait pas plus pour que les médias anglo-saxons (y compris des journaux de référence), puis mondiaux, s'emparent du sujet et déclarent que la Terre s’apprête à vivre un nouveau "petit âge glaciaire". Les climato-sceptiques s'engouffrent dans la spirale, trop contents de pouvoir défendre leur point de vue aux côtés d'un grand nom de la Science (la Société Nationale d'Astronomie). Plus tard, la Pr. Valentina Zharkova elle-même, étonnée mais non mécontente du brassage médiatique associé à son étude, déclare à un média qu'un "petit âge glaciaire" n'est pas à exclure totalement, mais ajoute qu'elle n'y a pas du tout réfléchi au moment de l'étude.

Pourtant, si les causes du "petit âge glaciaire" médiéval ne sont pas encore totalement élucidées, des preuves montrent qu'il a commencé avant le minimum de Maunder, et qu'il serait surtout lié à une activité volcanique intense.[2]

D'ailleurs, d'autres articles[3][4] soulignent que si l'activité solaire devrait bien être très faible en 2030, cela ne suffira même pas à contrebalancer le réchauffement climatique lié aux gaz à effet de serre émis par les activités humaines (voir la controverse sur le changement climatique).

Globalement, en science, une corrélation n'implique jamais une causalité à priori, il faut toujours la démontrer en plus (et c'est souvent difficile). Ici, le fait que le "petit âge glaciaire" et le minimum de Maunder coïncident dans le temps ne veut pas dire que l'un a provoqué l'autre.

La conclusion de toute cette affaire : non, rien de permet de dire que la Terre connaîtra un "petit âge glaciaire" en 2030.
L'autre conclusion, c'est que les scientifiques doivent être très prudents dans leur communication, car la désinformation perpétuée par certaines idéologies, ou simplement par une absence de culture scientifique chez beaucoup de journalistes, peut faire beaucoup de dégâts et discréditer à tort aux yeux du grand public, en un instant, le travail de centaines de chercheurs sérieux.

Synthèse inspirée de l'article (en anglais) de Phys.org.

Publiée il y a plus de 9 ans par F. Giry.
Dernière modification il y a plus de 5 ans.

Cette synthèse se base sur 4 références.