Cette synthèse appartient à la controverse Est-il possible de contrôler le comportement par la technologie ?

Carte somatotopique de Penfield dans l'aire motrice, issue du site http://lecerveau.mcgill.ca

Le Trésor de la Langue Française définit notamment le comportement comme l'"Ensemble des réactions observables chez un individu placé dans son milieu de vie et dans des circonstances données.". En résumé, on pourrait dire qu'il s'agit de l'ensemble des actions et réactions effectuées par les êtres vivants. Il dépend évidemment des conditions présentes lors d'un moment donné (où êtes-vous ? avec qui ? quelle heure est-il ? quel est votre état de fatigue, de faim, de soif, etc. ?) et aussi de votre vécu et de vos habitudes personnelles (comment réagissez-vous d'habitude dans ce type de situation si vous y avez déjà été exposé?).

Les technologies actuelles donnent la possibilité d'influencer le comportement par différentes méthodes.
Chaque jour, les publicités intrusives sur les panneaux publicitaires, internet, la télé, la radio, les transports, la rue, souvent effectuées par des as en psychologie et parfois même avec l'utilisation du neuromarketing (utilisation des outils des neurosciences pour voir comment optimiser les stratégies marketing) permettent aux marques de nous pousser à consommer, si ce n'est leurs produits, du moins de consommer en général car nous sommes entourés de cette idée. Il s'agit cependant bien là d'une influence et non d'un contrôle direct. L'individu qui connaît ces mécanismes peut consciemment décider de ne pas céder à ce matraquage médiatique et de ne pas acheter un produit, bien que son inconscient le pousse à le faire du fait de ce conditionnement.

De plus, comme le montre la controverse sur l'ocytocine, on connait de mieux en mieux le fonctionnement électrique et chimique du cerveau.
Les neurotransmetteurs, des molécules libérées par les neurones dans le cerveau, sont de mieux en mieux identifiés et rattachés à certains comportements tels l'ocytocine rattachée à un comportement pro-social (voir pour cela comme mentionné précédemment la controverse sur l'ocytocine), la dopamine rattachée au plaisir ou encore la noradrénaline rattachée à l'attention[1]. D'ailleurs, n'est-ce pas le principe même de l'usage des drogues de pousser à une modification du comportement induite par une substance chimique. Les drogues modifient le comportement électro-chimique du cerveau, généralement en provoquant la libération accrue de certains neurotransmetteurs dans certaines aires du cerveau. Le sujet recherche alors soit des hallucinations sensorielles (cannabis, LSD, champignons) soit un certain plaisir accru par la prise de drogue (alcool, ecstasy) soit tout simplement à s'extraire de ses comportements habituels en provoquant une modification du fonctionnement de son cerveau par la drogue. Certains préconisent d'ailleurs l'usage de certaines drogues pour soigner certaines maladies psychiatriques dures à guérir autrement. Il y a notamment un fort débat sur l'usage de l'ecstasy afin de guérir des patients atteints de stress post-traumatique (voir par exemple l'article des Inrocks ici). En somme, mais la plupart des sociétés humaines le savent depuis longtemps, des substances chimiques inoculées par l'alimentation (voie orale) ou directement dans le sang (voie sanguine) peuvent avoir une forte influence sur le comportement au point de modifier complètement l'attitude et les perceptions d'une personne.
Les études pour voir comment guérir l'épilepsie ont permis, au siècle passé de bien étudier certaines régions par des simples stimulations électriques. C'est ce qui permit d'ailleurs au célèbre neurochirurgien Wilder Penfield d'établir sa carte somatotopique du cerveau relativement très connue dans le milieu des neurosciences. Le principe de cette carte est de donner une équivalence entre certaines zones du cortex moteur et des parties du corps. On constate alors que par des simples stimulations électriques ciblées dans certaines zones du cerveau, on peut générer des hallucinations au niveau des sens (vision, ouïe, etc.) et/ou provoquer des émotions (peur, joie, etc.) qui ne sont dues qu'à la stimulation électrique du cerveau. Cette technique est utilisée depuis plusieurs années, mais elle implique une chirurgie assez lourde et elle est cantonnée, pour l'instant, à un usage thérapeutique (épilepsie et dépression sévère notamment).

Chez l'animal, on est aujourd'hui capables, via des modifications génétiques, de contrôler le comportement aussi simplement qu'avez une lumière d'une certaine longueur d'onde (une certaine couleur). Si sur le ver, cela se résume à pouvoir choisir l'orientation que le ver va prendre (gauche/droite)[2], chez les souris et les rats, on peut dorénavant modifier les souvenirs[3] ou même rendre une souris aggressive dans des conditions où elle est normalement "pacifique"[4]. Chez l'homme, cela reste aujourd'hui inenvisageable car bien que certains fantasment déjà sur l'intérêt thérapeutique de l'optogénétique, l'éthique, mais aussi la connaissance encore très imparfaite des conséquences de cette technique qui implique d'inoculer un virus au patient limitent pour le moment son utilisation dans la plupart des pays du monde... pour l'instant.

La stimulation transcrânienne magnétique (TMS) est une technique qui permet, de manière non-invasive, c'est-à-dire sans rien injecter dans le corps de la personne, d'influencer temporairement ou durablement l'activité cérébrale dans des zones spécifiques du cerveau. Elle se base sur le principe qu'un champ magnétique peut être converti en champ éléctrique et donc un champ magnétique exercé à l'extérieur du cerveau peut influencer l'activité électrique dans le cerveau. Si cette technique a des intérêts thérapeutiques évidents, dans le cas de la dépression notamment [5], son utilisation à d'autres fins pourrait être discutable et nécessite un encadrement éthique. Cependant, pour l'instant, elle nécessite un appareillage tel et des conditions de laboratoire pour être effectuée. Il n'y a donc pas à craindre de recevoir une onde magnétique dans la rue pour influencer votre comportement.

En somme, le fait d'influencer le comportement par des outils externes (publicité, drogues, TMS) ou plus intrusifs (optogénétique, électrodes) semble plus que jamais possible aujourd'hui (dans de plus ou moins grandes proportions selon les outils utilisés bien sûr: l'utilisation de l'optogénétique chez l'homme semble plutôt du domaine de l'imaginaire que du concret à l'heure actuelle, alors que les électrodes intra-cérébrales pour soigner l'épilepsie ou le parkinson sont utilisées depuis des dizaines d'années!), et c'est aux sociétés de poser les limites de ces pratiques, pour éviter des dérives dangereuses (parmi ce qu'il y a de pire qu'on pourrait envisager: super-soldats, contrôle du comportement à des fins pseudo-thérapeutiques). En conclusion, on peut affirmer que, pour l'instant, il est impossible de contrôler le comportement d'une personne sans la soumettre à une chirurgie (électrodes) ou à un environnement où tous les paramètres soient contrôlés (TMS)... pour l'instant. Pour répondre plus spécifiquement à la question de la controverse, on pourrait donc dire que les outils actuels rendent possible le contrôle du comportement, mais que dans l'état actuel des choses, cela n'est (heureusement!) pas réalisable tant que les sociétés gardent un contrôle éthique de ces outils. Il est néanmoins tout à fait commun aujourd'hui d'influencer le comportement soit par la publicité, soit par des substances chimiques soit même par le biais d'une bonne connaissance de la psychologie humaine, mais il s'agit là de phénomènes qui ne sont pas nouveaux, ce qui ne retire pas l'intérêt de mieux les connaître pour mieux s'en défendre.

Publiée il y a presque 9 ans par N. Clairis.
Dernière modification il y a plus de 4 ans.

Cette synthèse se base sur 5 références.