Titre de l'article :

Identification moléculaire taxonomique en l'absence d'un "barcoding gap" : un test avec la flore endémique du hotspot océanique des Canaries


Figure :

Distance inter et intraspécifique obtenues pour les cas clairs de comparaison entre taxons. La croix correspond à la moyenne, la ligne à l'intérieur de la box correspond à la médiane. Les valeurs extrêmes sont représentées par un losange.
Source : Jaén-Molina et al. 2014

Introduction à l'article :

La mise en place d'un protocole de routine qui utilise le barcoding d'ADN est important en biologie pour :

  • une assignation rapide des spécimens étudiés à leur espèce,
  • l’identification des espèces cryptiques,
  • l’assistance à la taxonomie basée sur la morphologie,
  • la création de bases de données utiles pour la conservation et le management.

La recherche d'un code-barres universel pour les plantes est encore en cours (contrairement aux animaux : la COI). Il a été proposé l'utilisation simultanée de deux locus, rbcL et matK. Aussi, l'existence d'un "barcoding gap" chez les plantes est bien plus rare que chez les animaux (le pouvoir de discrimination est donc également plus faible que chez les animaux).
Chez les plantes, les difficultés de discrimination proviennent de la présence courante de taxons très proches génétiquement (due à de fort taux de spéciation) et de phénomènes d’hybridation et/ou introgression, ce qui diminue les distances génétiques entre les taxons.

Expériences de l'article :

Les iles Canaries présentent une forte diversité endémique (nombreux cas de spéciations récentes). C'est donc un cas d'étude intéressant pour tester l’efficacité des méthodes d'identification ADN.

Les auteurs tentent ici d'évaluer l'efficacité du code-barres rbcL-matK pour un échantillon d'angiospermes endémiques. Ils répondent à trois questions principales :

  • Existe-t-il un "barcoding gap" chez ces espèces ?
  • A quel point le critère de discrimination basé sur les différences de caractères (différence entre l'individu testé et les séquences types d'une espèce donnée pour chaque position nucléotidique) peut-il extraire les identités de différents taxons (en comparaison avec la méthode "classique" des distances proposée par Hebert et al[1]) ?
  • Ce code-barres peut-il permettre de distinguer des espèces cryptiques ?

Pour ce faire, les auteurs tentent d'identifier 140 populations, correspondant à 23 familles, 35 genres et 60 taxons endémiques des iles Canaries.

Résultats de l'article :

Principaux résultats de l'étude :

  • Aucun "barcoding gap" n'a été détecté car les distances génétiques intra et interspécifiques se chevauchent (voir figure).
  • Le pouvoir de discrimination de la méthode basée sur les différences de caractères génétiques est supérieur à celui de la méthode des distances (82.29% contre 80.2% respectivement). Aussi, la présence d'un "barcoding gap" n'est pas nécessaire à une caractérisation moléculaire correcte si on utilise la méthode basée sur les différences de caractères.
  • La méthode basée sur les différences de caractères a mis en évidence quelques cas potentiels d'espèces cryptiques (mais cela reste à confirmer avec d'autres études approfondies).
Rigueur de l'article :

Cet article me semble rigoureux. Il n'y aucune remarque à faire à ce sujet.

Ce que cet article apporte au débat :

Cet article montre, une fois de plus (voir Justi et al. 2014[2]), que la méthode basée sur les distances génétiques entre taxons ne permet pas toujours de distinguer des espèces (lorsqu'il n'existe pas de "barcoding gap"). Aussi, il montre que la méthode basée sur les caractères génétiques est plus efficace que la méthode des distances[1], et met ainsi en évidence que l'absence d'un "barcoding gap" n'est pas indispensable à une discrimination moléculaire à l'échelle spécifique. Il montre que la méthode de barcoding d'ADN peut être efficacement utilisée pour la discrimination moléculaire et la découverte de nouvelles espèces chez les plantes si l'on utilise la méthode la plus adaptée : celle basée sur les différences de caractères moléculaire.

Publiée il y a plus de 8 ans par Suzanne Bonamour .
Dernière modification il y a plus de 4 ans.