Cette synthèse appartient à la controverse Le non-labour augmente-t-il le stockage de carbone dans les sols ?

Introduction
La question du stock de carbone dans les sols prend une toute nouvelle importance avec la lutte contre le changement climatique. Les sols seraient, et même plus que la biosphère, le réservoir de carbone au plus haut potentiel de stockage. En témoignent les multiples initiatives nationales ("4 pour mille" du Ministère de l'Agriculture) et internationales (Partenariat Mondial des Sols, 2015 année mondiale des sols, etc.)

Non-labour et stockage de carbone
L'agriculture de conservation a longtemps été désignée comme un type de pratique agricole pouvant stocker du carbone dans le sol. En effet, retournant le sol et l'exposant à l'air libre, le labour traditionnel (30 cm) accélère a priori l'oxydation de la matière organique contenue dans le sol. Les techniques de travail réduit du sol sont multiples (labour agronomique (20cm), disqueuse (10-20cm), semis direct sous couvert végétal, etc.) et ont en commun de limiter les perturbations du sol, et donc des micro-organismes qui y régissent le cycle du carbone (et de l'azote).
Au final, de nombreuses méta-analyses concluent à une légère augmentation du stock de C[1], d'en moyenne 0,15 tC/ha/an (tonnes de carbone par hectare et par an). Soit une valeur moitié moindre de celle annoncée dans le dernier rapport du GIEC.
Il s'avère en fait que même si la teneur en carbone augmente bel et bien dans les premiers horizons du sol, le non-labour a tendance à appauvrir les horizons plus profonds[2]. Cela explique la sur-estimation initiale du stockage de carbone, les premières études n'ayant considéré que des horizons superficiels. Plutôt qu'un stockage, le non-labour entraîne donc davantage une redistribution verticale du carbone dans le sol.
De plus, une grande variabilité est observée dans la variation du stock total de carbone[3][4]. Les facteurs influençant ce stockage sont difficilement identifiables. Alors que certaines études indiquent une influence du climat et du régime hydrique : davantage de carbone serait stocké en milieu tropical ou sub-tropical, et à faible pluviosité (Blanco-Moure et al. 2013). Cette hypothèse a cependant été contredite par Angers Eriksenn (2008)[5] et Virto et al (2012)[1].

Conclusion
Cette variabilité avait conduit l'expertise INRA (Institut National de Recherche Agronomique) de 2013 à proposer un taux de stockage additionnel en semis direct de 0,15 ± 0,15tC/ha/an, ce qui veut dire de 0-0,3 tC/ha/an (donc potentiellement un stockage additionnel nul). L'identification des déterminants de cette variabilité reste une question ouverte pour les pédologues (scientifiques qui étudient les sols), mais en l'état il est difficile d'affirmer que le non labour conduit automatiquement à un stockage de carbone plus important dans les sols.

Ouverture
De plus, au delà de la question du stockage de carbone, le travail du sol amène de nombreuses autres questions agronomiques et environnementales. Le projet SUSTAIN du réseau SNOWMAN a par exemple mis en évidence les différents services écosystémiques apportés par un travail réduit du sol (c'est à dire les services produits par la nature et bénéfiques pour l'homme, voir la controverse sur les services écosystémiques). Car la question du stockage de carbone n'est qu'un critère de décision parmi d'autres pour les agriculteurs pour savoir s'il faut travailler leurs sols ou non. Pour creuser davantage cette question, je recommande "Faut-il travailler le sol?" (Labreuche et al. 2014 édition Quae) ou le rapport d'expertise réalisé par l'INRA à la demande du ministère de l'Écologie et du Développement durable : Contribution à la lutte contre l'effet de serre : stocker du carbone dans les sols agricoles de France ?

Publiée il y a plus de 8 ans par Geck' et F. Giry.
Dernière modification il y a plus de 4 ans.

Cette synthèse se base sur 5 références.